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Audience : les auditeurs de Radio France, fidèles jusqu'où ?

Radio France, la grève et après ?dossier
Alors que la grève dure, la direction redoute une perte d'audience «très significative».
Le logo du groupe Radio France, le 3 avril. (Photo JACQUES DEMARTHON. AFP)
publié le 14 avril 2015 à 7h54

«Chaque jour de grève, on perd des auditeurs qui seront difficiles à récupérer.» C'était il y a deux semaines, Radio France entrait dans son huitième jour de grève. La direction du groupe commençait à prévoir, la gorge serrée, la perte d'audience liée au mouvement de protestation. Et lançait ses pronostics : 500 000 auditeurs perdus sur France Bleu, France Info et France Inter à l'issue de la mobilisation si celle-ci était reconduite pour un neuvième jour.

18 jours de grève plus tard, le compteur continue de grimper, selon un cadre du groupe public qui anticipe la prochaine vague de résultats publiée par Médiamétrie – l'institut de mesure des audiences des médias audiovisuels - ce mercredi. La perte d'audience envisagée est de l'ordre «d'un point à un point et demi» pour les quatre principales antennes publiques (France Inter, France Info, France Bleu et France Culture) de Radio France qui en compte sept. Dans les hautes sphères de la Maison ronde, ce recul «très significatif» est évidemment regretté. Car depuis plusieurs mois, le groupe était sur une bonne lancée.

Entre novembre et décembre dernier, Radio France affichait ainsi des chiffres d'audience en net progrès : 26,5% d'audience cumulée pour les stations du groupe, soit une augmentation de 1,3 point en un an, selon la dernière vague de résultats publiée par Médiamétrie le 14 janvier. Avec 756 000 auditeurs gagnés durant l'année 2014, Radio France a réalisé là sa meilleure audience depuis deux ans. Un score tiré vers le haut par ses deux stations emblématiques, France Inter et France Info. En un an, les deux antennes publiques ont respectivement gagné 130 000 et 72 000 auditeurs avec 10,5 % d'audience cumulée pour Inter et 8,1 % pour Info. Ce sont donc elles qui ont le plus à perdre, sachant qu'une partie de leurs auditeurs - ceux qui supportent la pub à haute dose - ont zappé sur Europe 1 ou RTL pendant la grève.

La fuite des auditeurs et de la pub

Derrière le spectre de la perte d'auditeurs, un autre fantôme plane au-dessus de la tête du groupe public : la fuite des recettes publicitaires, même si elles sont limitées par la réglementation sur les stations publiques. A Radio France, les messages publicitaires sont «diffusés dans la limite, pour les programmes nationaux, de trente minutes par jour en moyenne sur l'année», rappelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Ce ratio publicitaire relativement bas n'empêche pas Radio France de dépendre de la publicité : elle représenterait près de 10% de ses ressources, selon un cadre. En période de grève, le premier groupe radiophonique français «perd un million d'euros par semaine» de recettes publicitaires, affirmait ainsi la direction fin mars. Si l'on suit ces chiffres, Radio France aurait donc perdu près de trois millions d'euros depuis le début du mouvement de protestation, il y a trois semaines.

Pour autant, Radio France a dans son jeu une carte que ses concurrents n'ont pas : celle de la fidélité de ses auditeurs, jugée «presque idéologique» par le sociologue Denis Muzet, président de l'Institut Médiascopie, interrogé par l'AFP. A l'issue de la grève, les auditeurs assidus reviendront. Mais une perte zéro n'existe pas. «Il y a un risque réel de perdre des auditeurs», poursuit le sociologue.

550 000 auditeurs perdus après la grève de 2005

C'est ce qui s'est produit à l'issue de la grève qu'a connu Radio France entre le 4 et le 22 avril 2005. Les ouvriers et les employés administratifs réclament une augmentation de salaire et cessent le travail pendant 19 jours. Mi-juillet, Médiamétrie publie comme à son habitude les chiffres d'audiences du groupe entre avril et juin. Le résultat est sans appel : Radio France voit sa part d'audience cumulée baisser d'1,1 point - de 26,9% à 25,8% - et 550 000 auditeurs. «La plus grande part de cette baisse doit être attribuée au mouvement de grève de 19 jours qui a particulièrement affecté l'audience de France Inter et de France Bleu», affirmait la direction de Radio France, quelques jours après la publication de ces chiffres.

Dix ans plus tard, la grève en cours aura-t-elle les mêmes effets ? Une première réponse sera donnée ce mercredi par la dernière vague de l’enquête Médiamétrie mesurant les audiences radio entre le 1er janvier et le 31 mars. Mais seulement partiellement. Les salariés de Radio France étant entrés en grève le 19 mars, seuls les treize premiers jours du mouvement entreront en ligne de compte et pourront influer sur les chiffres du groupe. Une analyse complète de l’impact de la grève sur les audiences pourra être faite mi-juillet, lorsque Médiametrie aura publié les audiences radio réalisées entre avril et juin. Si le mouvement est terminé d’ici là.