«Les auditeurs partent plus vite qu’ils ne reviennent.» Dans les couloirs des radios, la petite phrase est bien connue. A Radio France aussi. «Chaque jour de grève, on perd des auditeurs qui seront difficiles à récupérer.» C’était il y a deux semaines, Radio France entrait alors dans son huitième jour de grève. La direction du groupe commençait à prévoir, la gorge serrée, la perte d’audience liée au mouvement de protestation. Et lançait ses pronostics : 500 000 auditeurs perdus sur France Bleu, France Info et France Inter à l’issue de la mobilisation si celle-ci était reconduite pour un neuvième jour.
Dix-neuf jours de grève plus tard, le compteur continue de grimper, selon un cadre du groupe public, qui anticipait la prochaine vague de résultats publiée ce mercredi par Médiamétrie − l’institut de mesure des audiences des médias audiovisuels. Il envisageait alors une perte d’audience de l’ordre «d’un point à un point et demi» pour les quatre principales antennes du service public (France Inter, France Info, France Bleu et France Culture) qui en compte sept.
La réalité pourrait être plus conciliante avec la Maison ronde. Selon un expert radio, l’impact de ce qui est la plus grande grève de l’histoire de Radio France sur ses audiences devrait être «modéré». «Le moteur n’est pas cassé», affirme l’expert. L’émission phare du groupe, la matinale de France Inter (la plus écoutée en quart d’heure moyen), a continué en partie de tourner. Sur vingt-sept jours de grève, Patrick Cohen a tenu le micro une dizaine de fois. Côté régions, France Bleu ne devrait pas non plus perdre beaucoup d’auditeurs. «Il n’existe pas de radio de substitution à France Bleu car elle offre à ses auditeurs une information d’hyperproximité irremplaçable, explique-t-il. Cet attachement très fort des auditeurs à France Bleu ne se retrouve nulle part ailleurs.»
Une fidélité due à un caractère commun aux auditeurs de Radio France : leur aversion pour la publicité. «Est-ce que vous pouvez comprendre qu’on ne supporte pas la pub qui cisaille sans arrêt n’importe quelle émission ?!» s’insurgeait un auditeur de Radio France, mardi sur le site de Libération, à propos d’un commentaire de lecteur attaquant «l’entre-soi» qui serait caractéristique de la Maison ronde et de ses 14 millions de paires d’oreilles.
Le soutien des auditeurs à leurs stations publiques n'est pas le seul facteur expliquant une moindre baisse d'audience de Radio France. La dernière vague de l'enquête Médiamétrie publiée ce mercredi matin mesure les audiences radio entre le 1er janvier et le 31 mars. Les salariés de Radio France étant entrés en grève le 19 mars, seuls les sept premiers jours du mouvement entreront en ligne de compte et pourront influer sur les chiffres du groupe. «L'impact de la grève va être réparti sur deux vagues», explique l'expert radio.
Pour une analyse complète des conséquences du mouvement sur l'audience, il faudra donc attendre mi-juillet, lorsque Médiamétrie aura publié les chiffres réalisés entre avril et juin. Là encore, l'expert croit davantage en une bonne surprise qu'en un scénario catastrophe. De quoi confirmer cette remarque d'une auditrice : «On n'écoute pas Europe 1 lorsqu'on est sur France Inter. Question d'ADN.»