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Libération
Décryptage

Radio France, la Maison en chantiers

Radio France, la grève et après ?dossier
Dialogue social, plan de départs, économies massives… Comment se relève-t-on d’un tel conflit social ?
Lors de l'AG qui s'est tenue à la Maison de la radio, lundi. (Photo Julien Pebrel. MYOP)
publié le 14 avril 2015 à 20h16

Et un jour de plus, un ! Réunis dans le studio 105 de la Maison de la radio, les salariés de Radio France ont finalement voté mardi et dans la désunion syndicale un 28e jour de grève. Une reconduction approuvée à l'appel de la seule CGT, les quatre autres organisations membres de l'intersyndicale (CFDT, Unsa, SUD et Snfort) ayant appelé à suspendre le mouvement. «J'ai fait des grèves (pas celle-ci), j'ai couvert des grèves (plein) et je n'ai JAMAIS vu un bordel pareil», a réagi à chaud sur Twitter la journaliste de France Info, Fabienne Sintes, qui évoquait «des gens en pleurs» et un «désordre total». Ambiance.

Baroud d'honneur ou pas sur fond de «ta gueule» qu'ont fini par s'envoyer quelques participants, la question de la fin du plus long conflit social de l'histoire de Radio France reste plus que jamais posée. C omment se projeter dans l'après-grève avec sans doute toujours le même PDG et une contrainte budgétaire globalement inchangée ? Ce constat largement partagé, c'est celui que font désormais la plupart des 4 600 salariés de Radio France qui, comme la quasi-intégralité des syndicats de la Maison ronde jugent que le mouvement est maintenant dans l'impasse. «On est face à trois options, résumait mardi matin Philippe Ballet, délégué Unsa qui, depuis lundi, milite pour la reprise du travail. Soit on revient aux propositions de la direction d'il y a douze jours, soit on prend le texte du médiateur, soit on n'a rien du tout», explique-t-il. Autrement dit, il va falloir se contenter dans l'immédiat du «socle minimal» élaboré dans l'urgence et selon ses propres mots par le médiateur afin de se concentrer sur l'essentiel, c'est-à-dire la discussion sur le contrat d'objectifs et de moyens (COM). Un document que devra avaliser la tutelle et qui fixera pour les cinq années à venir l'avenir du service public de la radio. Du «respect d'une méthode de dialogue social en prenant appui sur des diagnostics partagés», comme l'a écrit le médiateur Dominique-Jean Chertier au périmètre du futur plan de départs volontaires en passant par les pistes d'économies pour mettre fin à l'inflation constante des charges à Radio France, décryptage des - rares - espaces pour sortir de la crise.

La méthode du dialogue social

C'est l'impératif absolu dont la lourde tâche incombera au médiateur. Alors que les ponts sont rompus entre direction et syndicats qui la jugent «décrédibilisée», voire illégitime, Dominique-Jean Chertier devra, lorsque la grève prendra fin, remettre les deux parties autour de la même table. Lors d'une visite surprise au siège de Radio France lundi soir, la ministre de la Culture, Fleur Pellerin, a défendu son texte qui «pose les bases d'une sortie rapide du conflit». Un échec cuisant pour l'instant mais la ligne reste inchangée : le texte est définitif, à prendre ou à laisser. Accompagnée de Mathieu Gallet, la ministre a surtout cherché à rassurer les syndicats en se portant «garante du dialogue social et du retour à la confiance». Un discours qui a convaincu la CFDT, premier syndicat dans les 44 stations locales de France Bleu, dont la question d'une «syndication» accrue des programmes (mise en commun de certaines émissions) est avec la préservation des emplois au cœur du conflit. Le médiateur - et à travers lui le gouvernement - a mis entre les mains des grévistes un «donnant-donnant» : la levée de la grève contre sa participation active à la négociation du plan de 50 millions d'euros prévus par Mathieu Gallet pour ramener Radio France à l'équilibre à l'horizon 2019. Dans l'entourage de la direction mardi, on confirmait mardi soir que le médiateur restait «disponible», toujours «en attente» pour lancer cette deuxième phase.

Négocier le plan de départs volontaires

«Le paradoxe de cette grève, c'est que l'on n'est toujours pas rentré dans le vif du sujet, à savoir le volume et les modalités des suppressions d'emplois», se lamentait mardi soir un syndicaliste. Avec l'aide du médiateur selon lequel «le dimensionnement de l'emploi ne doit pas être la seule réponse aux problématiques financières», les syndicats espèrent que le plan de Gallet (380 départs volontaires) pourra être amendé. «Il y a 198 cadres de direction avec des hauts salaires, soit 1 salarié sur 23, explique un élu du personnel, s'ils sont nombreux à partir,il y aura des marges. C'est tout l'enjeu de la deuxième phase du plan.»

Revoir certaines économies

Les termes employés par le médiateur - «redimensionnement» des orchestres et non plus leur fusion comme cela avait été évoqué initialement, la «syndication n'est pas un principe d'action» - laissent entendre que la discussion reste ouverte sur l'ampleur des réformes de structure qui seront menées dans les prochaines années à Radio France. «Les marges de manœuvre restent très faibles, prévient Philippe Ballet de l'Unsa. La seule chose qui est sûre à ce jour, c'est que l'on préfère prendre le risque de rentrer dans la discussion avec le médiateur que l'on a mis trois semaines à obtenir plutôt que de continuer dans une opposition sans aucune issue.»