Mais qu'allaient-ils tous faire dans cette galère ? Alors que le CSA devrait faire connaître ce jeudi son choix du futur patron de France Télévisions, ils sont 7 (sur 33 dossiers déposés) à figurer dans une «short list» restée officieuse et qui en a étonné plus d'un : le PDG actuel, Rémy Pflimlin, candidat à sa reconduction, deux femmes (Delphine Ernotte-Cunci à la tête d'Orange France et Nathalie Collin en charge de la transition numérique à la Poste après être passée par la musique chez EMI France et la presse écrite à Libération, puis à l'Obs), un haut fonctionnaire (Christophe Beaux de la Monnaie de Paris) et trois routiers confirmés de l'audiovisuel (Pascal Josèphe, Cyrille du Peloux et Robin Leproux). Auditionnés mardi et mercredi à huis clos par les huit sages du quai André-Citroën, ces prétendants à la magistrature audiovisuelle publique suprême auront fort à faire s'ils décrochent la timbale.
Placé sous la double surveillance du CSA et du gouvernement qui l'enjoindront à faire montre de plus d'audace dans les programmes, l'élu devra en résumé faire mieux avec autant, si ce n'est moins. Car la dotation publique sera probablement en baisse d'ici à 2020, a prévenu le gouvernement. Déjà compliquée au départ, la tâche du CSA - qui vient d'assister impuissant au naufrage de Mathieu Gallet qu'il avait retenu il y a un an pour la présidence de Radio France - a été largement polluée par la procédure retenue. Son «anonymat» destiné à ne pas gêner les candidats vis-à-vis de leurs actuels employeurs a été attaqué de toutes parts en raison de son opacité. La porte ouverte aux intox et peaux de bananes en tous genres, qui auront marqué cette campagne d'antichambre et que dénonce Didier Quillot, un des candidats éconduits par le CSA. Sans attendre son nom, Libération dessine en creux et sous forme de portrait robot le profil idéal de celui qui gouvernera pour les cinq prochaines années aux destinées d'un mastodonte en pleine mutation.
Le patron comme garant de la stabilité
Après la grève traumatisante que vient de connaître Radio France, la plus longue de son histoire, un profil rassurant, capable de faire «bouger ce super-tanker sans faire trop de vagues», comme le dit un connaisseur du dossier, serait plus que bienvenu. Avec son côté force tranquille, le débonnaire Rémy Pflimlin se voit à cette aune comme le candidat idéal. Son entourage vante un manager qui a su favoriser les «départs naturels» (le groupe est passé l'an dernier sous la barre des 10 000 salariés l'an dernier) et annonce une réduction du déficit, de 38,4 millions d'euros en 2014 à 9,8 millions d'euros budgétés pour 2015. Une posture de gestionnaire compatible avec une culture de service public. Elle s'est déjà payée au prix fort selon les syndicats qui, à l'instar de la CFDT, alertent sur des situations de «stress extrême» à France Télé. Commandé conjointement par la direction et les syndicats, le rapport de l'expert Henri Vacquin décrit une situation sociale très dégradée, que les économies réclamées par une tutelle publique sans les moyens de ses objectifs ne vont pas arranger. La raison pour laquelle de nombreux observateurs mettent en garde contre «un profil de gestionnaire cost-killer, qui risquerait de mettre le feu social à la maison». Celui de Delphine Ernotte, par exemple, associée par les syndicats à l'épisode des suicides chez Orange du temps où Didier Lombard en était le président.
Un chef qui serait un pro de la télévision
Outre Rémy Pflimlin qui se démène pour mettre en avant la réorientation récente des programmes vers des séries ambitieuses et les succès d’audience dans l’information, plusieurs profils peuvent se targuer d’une vraie connaissance dans ce domaine. A commencer par Pascal Josèphe, de loin le meilleur connaisseur des programmes de tous les candidats. Mais il lui manque la réputation de «manager de choc» d’un Robin Leproux, dont la longue carrière chez M6 plaide pour ses talents de commercial ou encore de Cyrille du Peloux, ex-professionnel de la télé privée (TF1, TPS…).
Une boss au féminin
Il n’y en a plus que deux en lice après l’éviction de Marie-Christine Saragosse, ex-favorite qui dirige l’audiovisuel extérieur et dont la candidature n’a pas été retenue par le CSA. L’ingénieure de formation Delphine Ernotte a pour elle la réputation d’une gestionnaire au cordeau et sa connaissance des réseaux télécoms à une époque où les usages de la télévision sont en pleine mutation numérique. Sans doute plus politique dans sa gestion, plutôt marquée à gauche après ses passages à Libé et à l’Obs, Nathalie Collin s’est fait connaître de l’exécutif pour avoir négocié l’accord entre les journaux et Google. Reste que ces deux femmes n’ont aucune expérience dans la télévision. Et certains ne manquent pas de faire observer que nombre d’entreprises de l’audiovisuel public (INA, CNC, France Media Monde) sont déjà dirigées par des femmes.
l’as des réseaux
L'ensemble des candidats n'en manquent pas et les ont mobilisés pour se faire valoir et affiner leurs argumentaires. Mais la palme dans ce domaine revient sans doute à l'énarque marqué à droite Christophe Beaux, déjà administrateur de France Télévisions où il a été nommé par le CSA, ce qui lui donne l'avantage - déloyal, selon ses concurrents - de connaître dans le détail les comptes de la maison. Un accès dont s'est servi le président de la Monnaie de Paris - «le budget d'une station régionale de France 3», persifle un de ses détracteurs - pour contester la gestion de Pflimlin. Dans son genre, un profil d'outsider à la Mathieu Gallet, version comptable.