Un beau matin, sur Facebook, il se peut désormais que quelqu'un publie cet article.
Mais oui, c'est bien Hodor, l'un des personnages de la série Game of Thrones, qui apparaît inlassablement dans les colonnes de site de BBC News. Seulement, en lieu et place de l'adresse habituelle du site, on trouve dans la barre d'URL cette adresse. Clone Zone permet donc à n'importe qui d'engendrer une réplique du site de la BBC, plus vraie que nature.
Le fonctionnement de Clone Zone est diaboliquement simple. Sur la page d'accueil, inspirée des couleurs de Google, il suffit d'entrer l'adresse URL de n'importe quel site web ne nécessitant pas d'identifiant. L'internaute se retrouve alors sur la page d'accueil. Jusqu'ici, tout est normal. C'est en passant la souris dessus que l'on s'aperçoit que des zones en vert s'affichent sous le curseur. Il suffit alors de cliquer sur n'importe quelle partie du texte - articles, rubriques, photos - pour tout modifier. Ça ressemble à l'original, mais en complètement malléable. L'envie de refaire la Une du Monde.fr ou du site du New York Times (avec ses titres longs comme le bras) n'est dès lors plus qu'une question de clics - et d'imagination.
Tordre la réalité, c'est drôle, mais ça fait aussi réfléchir sur la confiance qu'on accorde à ce qu'on lit, voit et entend au quotidien sur Internet. C'est en tout cas l'avis d'Analisa Teachworth et Slava Balasanov, les deux associés à l'origine de Clone Zone. Ils ont fondé 4Real, une agence de designers multimédia basée à New York.
Les deux créatifs se sont même offert le luxe - fictif- de se payer la Une de Techcrunch, ce média américain en ligne consacré aux nouvelles technologies, pour le 1er avril.
«Le faux article a en fait été plus crédible que ce que nous avions anticipé, avec des "likes" et reposts à la pelle. Même deux semaines plus tard, on continue à nous féliciter de notre succès», explique Slava Balasanov dans un communiqué.
Après les sites d'infaux (The Onion aux Etats-Unis, le Gorafi en France), voilà que nous serions capables de produire des répliques de sites... Et donc, de les diffuser, les partager. La chose fait réfléchir sur les possibilités de duperies qu'elle induit. C'est un peu cela que veulent nous faire comprendre les créateurs de Clone Zone. «Plus il y a d'informations, plus la portée de notre attention se réduit, explique Slava Balasanov, par email. On n'a pas le temps ou l'énergie pour tout assimiler, donc on s'accroche à tout ce qui passe devant nos yeux sans le questionner. Clone Zone montre à quel point il est facile de créer et divulger de fausses informations sur les réseaux sociaux». Il poursuit : «Dès qu'on reconnaît une marque qu'on associe à une source fiable, on est davantage disposé à relâcher sa vigilance. En plus, les fils d'actualité sur les réseaux sociaux sont personnalisés pour faire apparaître ce que les algorithmes prévoient que nous allons «liker». Du coup, notre perception d'un fait avéré devient personnalisée, politisée, et malléable».
En attendant, Clone Zone a de quoi rendre fous les internautes, mais aussi toute la presse en ligne.