Jim Rogers est né à Fort McMurray, Alberta, en 1945. Au fil des ans, le trappeur a vu la forêt rétrécir, puis disparaître, il a vu l'industrie tout bouffer. Jim a travaillé pour elle, un temps, comme tout le monde ici. En ville, beaucoup prennent Jim pour un gentil dingue. Le trappeur l'est sans doute sur les bords. Jim Rogers a la lucidité des fous, et c'est ce qui fait de lui un ami – et le personnage central de la version TV de notre jeu documentaire diffusée ce soir sur Arte (1). Dans un de ses rires de vacarme, Jim me lança une de ses formules qui font vérité : «Si Dieu revenait ici, il dirait : "Mais qu'avez-vous fait de toutes ces richesses ? Je vous ai offert tant de cadeaux ! Vous ne pouviez pas faire mieux ? Bande d'imbéciles ! Vous brûlerez en Enfer !"»
Le trappeur est comme la ville-pétrole, tout en spectacle ; un concentré du siècle, aux mains du marché, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, une ville d'enfer, sans passé et sans présent, pour laquelle seul le futur compte, et encore, le très court terme, mouvant comme le sable dont elle est faite. Seul, ou presque, Jim Rogers résiste à sa manière. L'année dernière, le trappeur a même osé braver la politique sur son terrain. Jim s'est présenté aux élections municipales peu de temps avant notre dernier voyage, ultime tournage, et récolté 10% des voix. Dans la semaine 2 du jeu documentaire, commencée dimanche, on comprend pourquoi. Et comment le «dieu pétrole» fait de nous, des prisonniers complices d'un enfer climatisé.
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(1) «Fort McMoney - Votez Jim Rogers», réalisé par David Dufresne, est diffusé mardi 12 mai sur Arte, à 22h50.
David Dufresne est également auteur de «Brut, la ruée vers l'or noir» avec Naomi Klein, Nancy Huston, Melina Massimo-Laboucan (Lux éditeur, avril 2015).