Menu
Libération
Kiosque

France Télévisions : soupçons de plagiat sur le projet de Delphine Ernotte

Une longue enquête de Mediapart sur l'opaque nomination de la nouvelle présidente de France Télévisions par le CSA souligne des similitudes entre son projet gagnant et celui de l'un de ses concurrents déçus, Didier Quillot.
Delphine Ernotte en mars 2015 à Paris (Photo AFP)
publié le 17 mai 2015 à 17h50

Choisie le 23 avril par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) pour présider aux destinées de France Télévisions jusqu'en 2020, la directrice exécutive d'Orange France Delphine Ernotte a séduit grâce à un projet très managérial, mais était-ce vraiment le sien ? C'est la question que soulève une longue enquête de Mediapart sur cette nomination controversée.

Controverse que l'on doit d'abord, rappelle l'article du site d'information, à l'opacité d'une nomination qui a échappé à tout contrôle démocratique : désireux d'attirer des pontes du secteur privé, le CSA a choisi, contrairement à ce qu'il avait fait l'année précédente pour Radio France, de garder secrète la liste des candidats si l'un d'eux exigeait que son nom ne soit pas rendu public – ce qui n'a pas manqué d'arriver. Résultat : on n'a jamais su qui étaient les 33 prétendants au poste, et seule la rumeur médiatique a permis de connaître les noms des sept heureux finalistes – leurs auditions, cela va de soi, sont restées privées.

Impossible de savoir également pourquoi certains candidats, comme la très sérieuse Marie-Christine Saragosse, qui dirige France Médias Monde, ont été évincés avant même d'avoir été entendus. Et justement, un autre candidat écarté de la sorte a protesté publiquement contre cette opacité : Didier Quillot, l'ancien patron de Lagardère Active. Or, relève Mediapart, les projets de Delphine Ernotte et de Didier Quillot présentaient d'étranges similitudes. Un exemple parmi ceux que relève le site : quand Didier Quillot défend une vision de France 2 où «le direct événementiel, qu'il s'agisse de sport, de divertissement ou d'information, constitue le pivot du rassemblement d'une audience mixte et intergénérationnelle», Delphine Ernotte l'emporte avec un projet proposant que la chaîne «s'affirme comme la chaîne de l'événement : culturel, sportif, spectacle vivant, prévu ou impromptu, France 2 sera prête à bouleverser son antenne à n'importe quel moment, avec en particulier la conception de soirées événementielles». Et quand Didier Quillot cite TF1 comme référence («Par exemple, The voice, programme distractif et fédérateur, inventé par la BBC et diffusé en Belgique par la RTBF aurait parfaitement sa place sur France 2»), Delphine Ernotte écrit que «d'une certaine façon, avec Danse avec les Stars ou The Voice, la chaîne privée TF1 réussit à capter, dans sa première partie de soirée le samedi, un public non seulement nombreux mais sensiblement plus jeune que la moyenne».

Le projet de Didier Quillot

Le projet de Delphine Ernotte

Le point commun entre ces deux candidats ? Ils ont tous les deux bénéficié des conseils de Xavier Couture, ancien de TF1 et de Canal+, qui a d’abord roulé pour Quillot, avant de se rallier à Ernotte, qu’il a croisée chez Orange. Or, un échange de mail publié par Mediapart suggère que le projet de Quillot s’est malencontreusement retrouvé dans la boîte de Xavier Couture… qui a pu en faire profiter Ernotte, bien qu’il le nie auprès du site.

Détaillant également comment Olivier Schrameck, le président du CSA nommé par François Hollande, s'y est pris pour obtenir assez de soutiens au sein du Conseil afin d'obtenir une majorité, l'article de Mediapart conclut : «En piteux état, l'audiovisuel public n'avait guère besoin d'une semblable élection, marquée par autant d'irrégularités, qui en disent long sur les systèmes de connivence et de réseaux d'influence qui gangrènent notre démocratie…»