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Libération
Décryptage

Piocher des documents en libre accès sur le Net peut constituer un vol

publié le 22 mai 2015 à 19h46

Peut-on être condamné pour avoir téléchargé des documents en libre accès sur Internet mais qui n’auraient pas dû l’être ? La Cour de cassation a répondu par l’affirmative. Mercredi, elle a rejeté le pourvoi d’Olivier Laurelli, cofondateur du site d’information Reflets.info, connu pour avoir révélé la vente par la société française Amesys d’outils de surveillance numérique à la Libye du colonel Kadhafi.

Quels sont les faits ?

A l'été 2012, au hasard de recherches sur Google, Olivier Laurelli tombe sur des documents de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), qu'il télécharge pour «pouvoir faire des recherches plus tard». Problème : lesdits documents n'auraient jamais dû être indexés par le moteur de recherche ; s'ils l'ont été, c'est à cause d'un défaut de sécurisation du réseau de l'Anses. En remontant l'arborescence des documents, Laurelli finit d'ailleurs par se retrouver sur une page d'accueil requérant une identification.

A la suite de la parution d’un article basé sur l’un des documents, l’agence découvre la «fuite», qu’elle attribue alors à un piratage. S’ensuivent pour le blogueur perquisition, confiscation de matériel et poursuites.

Qu’a dit la justice ?

En avril 2013, le tribunal de grande instance de Créteil relaxe Olivier Laurelli, jugeant qu'il a pu récupérer les données «sans aucun procédé de type "hacking"» et que, s'il a pu «légitimement penser que certaines données sur le site nécessitaient […] un mot de passe», il a pu tout aussi légitimement considérer que «les données informatiques qu'il a récupérées étaient en libre accès». Mais le parquet fait appel de la décision. En février 2014, la cour d'appel de Paris estime que, dès lors que Laurelli avait connaissance d'un dispositif d'identification, il avait «conscience de son maintien irrégulier dans le système», et le condamne à 3000 euros d'amende.

Quel est l’enjeu ?

Pour l'avocat d'Olivier Laurelli, Me Olivier Iteanu, l'arrêt de la Cour de cassation «pose un problème de fond : si on veut généraliser la chose, cela veut dire que chaque internaute doit qualifier, dans ce qui est mis à disposition du public, ce qui a vocation à l'être, sauf à risquer des poursuites». Les voies de recours étant épuisées en France, il étudie la possibilité de porter l'affaire devant la Cour européenne des droits de l'homme.