^ Brochure/ Chloë Sevigny et les garçons
Chloë Sevigny est non seulement une actrice mais aussi, entre beaucoup d'autres choses, une femme de 40 ans considérée comme la «fille la plus cool du monde» depuis le milieu des années 90. Ce qui l'autorise à faire à peu près n'importe quoi. Cette semaine, elle sort No Time for Love, un tout petit livre, façon brochure, chez une minuscule maison d'édition, Innen Zines. Soit une compilation de photographies où elle apparaît en compagnie des hommes de sa vie : de son père à ses amours. A chaque fois, le visage du garçon a été recouvert d'un sticker, un petit chaton ou une bagnole. Les images, Polaroid ou Photomaton, sont tirées de ses archives perso, sauf une, issue d'une rubrique people. Un croisement entre narcissisme moqueur, name dropping masqué (qui reconnaîtra Jarvis Cocker ou Harmony Korine ?) et hype pré-Instagram. C.Gh.
^ Tabloïd / Hashtag racolage
Quotidien racoleur américain tiré à un demi-million d'exemplaires, le New York Post a au moins une qualité : il est excellent (et très cinglant) dans ses titres de une. Sur celle parue jeudi 11 juin, on voit Jackie Siegel, milliardaire américaine connue pour avoir été le sujet du documentaire Queen of Versailles (2012). Elle se trouve à l'enterrement de sa fille de 18 ans, décédée d'une overdose quelques jours avant. Dans la main gauche, une boisson fraîche, dans la droite son portable avec lequel elle prend une photo. D'où ce titre «#mydeadkid» (#monenfantmort), ironisant sur l'indécence du geste photographique et l'hypothèse d'une publication sur Instagram. Dans le journal, on voyait une photo de Jackie Siegel posant avec des «fans» hilares à la sortie de la cérémonie. Une vision ahurissante, également symptomatique d'une culture sans limites de la célébrité, auquel le New York Post contribue pourtant chaque matin pour «just a buck», seulement un dollar. C.Gh.
^ Clip / Kung-fu fou
Des centaines, voire des milliers d'enfants enchaînent, l'air concentré, des poses de kung-fu, boxent des murs ou s'essaient au sabre. Le clip du morceau The New International Sound Pt. II, du musicien français GENER8ION (plus connu sous le nom de Surkin), auquel s'est adjointe la chanteuse britannique M.I.A., est sorti lundi. On n'y voit aucun des deux artistes, mais des images extraites d'un documentaire de 2013,Dragon Girls, de l'Allemand Inigo Westmeier (crédité comme réalisateur du clip), tourné à l'école d'arts martiaux de Tagou, dans le Henan, en Chine, non loin du fameux monastère Shaolin. L'institution accueille 36 000 jeunes élèves, ici vus comme des pions d'un système où l'on tente de déceler les micro-erreurs chorégraphiques. Tout cela dans le flux saccadé et happant des mouvements de caméra et de l'electro. A la production exécutive du clip : Romain Gavras, auteur des fameuses vidéos de Stress pour Justice ou Born Free pour la même M.I.A. C.Gh.
^ Court «Transit», maso double
Musicien ayant collaboré sur plusieurs morceaux d'Alex Zhang Hungtai (alias Dirty Beaches), Shub Roy, producteur et multi-instrumentiste, publie sous le pseudo Night Musik un LP electro ténébreux intitulé Transit. Une vidéo (signée Mike Lau) tournée à Tokyo le montre, lui et son double (masqué de cuir), déambulant dans les quartiers chauds de Shinjuku jusqu'au point culminant de strangulation-libération du musicien par son doppelgänger SM. Moins un clip qu'un court métrage muet et musical à la lente narrativité anxiogène. D.P.
^ Animation - Erreur programmée
Sabotage ou autocitation, Me ! Me ! Me ! Chronic - dont on ne sait toujours pas s'il s'agit d'un clip ou d'un court métrage d'animation japonaise - est entièrement dévoué à l'esthétique du glitch, de la défaillance électronique qui formule une seconde image là où ne devait se trouver qu'un flux lisse et normé en 1 080 p. Cette erreur programme programmée duplique le dessin en de multiples miroirs, donne naissance à des aberrations géométriques en entrelaçant les visages et crée du mouvement à partir de static («parasites visuels»). Le sourire glisse, s'étire et se ramasse en noir-vert-orange, et vide de sens le visuel façon «cool japan» : nymphette, cheveux bleus, yeux roses et formes extravagantes. Remix visuel, NSFW et détraqué du clip Me !Me !Me !, cette version Chronic torpille son esthétique originelle qui bouffait au grand râtelier de la culture otaku (jeux vidéo, animé, manga) dans une soupe dubstep acidulée. Une nouvelle bonne pioche de la plateforme Japan Animator Expo, destinée à promouvoir la japanime en laissant des cartes blanches à divers réalisateurs, du plus célèbre (Hiroyuki Imaishi, Shinji Aramaki, Hideaki Anno) au débutant (dont un certain Suda 51). M.C.