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Libération
EDITORIAL

Epoque

publié le 8 juillet 2015 à 23h23

Ceux qui ont connu les premières années de Canal+ se souviennent à quel point la télé à la papa avait été piétinée à grands coups de rangers. Canal était gentiment punk, les gens y faisaient en gros ce qu'ils voulaient (et quand même vendre des abonnements). De l'autre côté du poste, on avait l'impression de faire partie de la famille. Puis Canal a grandi. Il fallait, dans son deuxième âge, rendre des comptes et rentrer dans le rang. On peut disserter sur la perte de «l'esprit Canal», l'accuser de boboïsme autarcique. Ce n'est pourtant pas le principal problème. Son vrai problème, c'est que pour sa troisième époque et sa véritable entrée dans l'ère Bolloré, Canal va devoir se transformer comme jamais alors qu'elle a raté son passage dans l'âge de la multitude. Il est facile de proposer du contenu exclusif, dans le sport par exemple, quand il y a cinq chaînes. Plus difficile quand le concurrent dépense sans compter. Ça se complique encore quand le zapping est infini. Entre la TNT, les box, Netflix et consorts, l'exclusivité des contenus de Canal/CanalSat - et les raisons de payer 60 euros par mois pour se l'offrir - perd franchement de l'intérêt. Le retard de Canal sur Internet est effroyable. Le groupe n'a pas su devenir plateforme et ses outils de catch-up datent du Minitel… Le dernier danger de la multitude, c'est le choc entre les téléspectateurs et une chaîne devenue marque patrimoniale. Quand tout le monde a un avis sur soi - et ne se prive pas de le donner - se réinventer tend à devenir une mission impossible.