«C'est un chantier national, comme le rail, la télévision ou le téléphone», a insisté le 16 juillet le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, lors de la seconde conférence annuelle du plan «France très haut débit». Installer un réseau internet de pointe, capable de fournir aux usagers un débit moyen supérieur à 30 Mbits/s, est devenu une priorité. Objectif : une couverture universelle en 2022, pour un investissement total de 20 milliards d'euros.
Attractivité. En 2014, la machine s'est enclenchée : l'équivalent en fibre optique de 15 fois la distance Terre-Lune a été posé. La France est pourtant toujours en retard. L'année dernière, l'accès au très haut débit était étendu à 80 % des foyers en Allemagne, 88 % en Grande-Bretagne, contre 42 % en France. Pour l'heure, le très haut débit y est essentiellement porté par l'ADSL amélioré (VDSL2) et le câble modernisé, tandis que le pourcentage des logements reliés en FttH, c'est-à-dire en fibre optique arrivant jusqu'à domicile, n'est que de 11,3 %. A Bercy, câble et VDSL2 sont perçus comme une transition vers le FttH.
Le très haut débit devient en effet un facteur d’attractivité économique majeur. Le rapport annuel du plan France très haut débit estime ainsi à 40 % l’augmentation potentielle du résultat opérationnel d’une entreprise qui réussit sa mutation numérique. La moyenne du nombre d’entreprises créées dans les communes branchées en très haut débit est sensiblement plus élevée que sur le reste du territoire : + 15,8 % dans les communes de 500 à 2 000 habitants et + 19,9 % dans les communes de 50 000 à 200 000 habitants.
La fibre optique est donc une filière en plein essor. Acome, un des principaux fabricants, a augmenté sa production de 50 % depuis 2013 et prévoit de la doubler d’ici deux ans. En 2015, le chiffre d’affaires des entreprises du secteur devrait friser les 2 milliards d’euros.
Réserves. «Nous avons demandé aux opérateurs de contractualiser systématiquement le calendrier de déploiement du très haut débit d'ici à fin 2015», précise Emmanuel Macron. Dans le rôle du gendarme, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) insiste : l'âge du «tout fibre» approche. Si Orange et Numericable-SFR promettent d'installer la fibre avec des investissements de l'ordre de 9 milliards d'ici à 2018 pour Orange et d'1,5 à 2 milliards par an pour Numericable-SFR, les autres opérateurs sont plus réservés. Bien que Bouygues Telecom vise les 10 millions de prises FttH en 2020, son PDG, Olivier Roussat, modère : «La captation des clients est encore un exercice délicat.» Constat partagé par Maxime Lombardini, directeur général d'Iliad (Free) : «Le calendrier de déploiement de la fibre est très ambitieux. Nous croyons à notre réseau cuivre, qui reste une réponse rapide et efficace aux demandes de nos clients.» Patrick Chaize, président de l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et sénateur de l'Ain, département pilote en la matière, ne l'entend pas de cette oreille : «Si ceux qui sont en place continuaient de préférer les rentes de la situation actuelle, les collectivités n'auraient d'autre choix que de constater la carence d'initiative privée, et de s'organiser pour faire éclater un oligopole de fait.» Il n'est donc pas certain, contrairement à ce qu'affirmait la secrétaire d'Etat chargée du Numérique, Axelle Lemaire, que «tous les intérêts convergent» sur le très haut débit.