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Libération
Billet

Hadopi, l’éternel dépit

Alors que le secrétaire général de l'institution vient d'être débarqué, la majorité n'a toujours pas ouvert de vrai débat sur l’accès à la culture à l’ère du partage en réseau.
(Photo Michael Bocchieri. AFP)
publié le 4 août 2015 à 19h26

Dans le creux de l'actualité estivale, l'information n'est pas passée inaperçue : le gendarme du piratage sur Internet, l'Hadopi (Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet), s'est «séparé» de son secrétaire général, Eric Walter. Ni le principal intéressé ni l'institution n'ayant précisé les motifs et les conditions de la «séparation», on en est, pour l'heure, réduit aux conjectures. De notoriété publique, le numéro 2 de l'Hadopi était depuis l'an dernier dans le viseur des ayants droit, qui n'avaient guère apprécié qu'il ait initié une étude de faisabilité sur la «rémunération proportionnelle du partage» - en clair, la légalisation, moyennant reversement d'une partie de leurs profits, des services utilisés par les internautes pour partager des œuvres protégées par le droit d'auteur -, ni qu'il ait déclaré, dans les colonnes de Libération, que «le piratage est avant tout une conséquence de la carence de l'offre légale».

Reste que ce débarquement peut surprendre, à quelques mois des fins de mandats de la présidente de l'Hadopi, Marie-Françoise Marais, et de Mireille Imbert-Quaretta, qui dirige la commission de protection des droits, le bras répressif de l'institution. Ce n'est que le énième signe de la crise d'une institution décidément mal née, dans la douleur des virulents débats qui ont entouré l'adoption de la loi «création et Internet» en 2009. La «réponse graduée» n'a convaincu ni les internautes - qui l'ont été beaucoup plus par le développement des services légaux de streaming musical, comme Spotify ou Deezer -, ni même les ayants droit, de plus en plus prompts à dénoncer «l'inefficacité» de l'Hadopi.

Quant au gouvernement, il a fait montre d’une singulière hypocrisie. Si le Parti socialiste avait combattu la création de la Haute Autorité, ce n’est qu’après avoir tergiversé que le candidat Hollande a, en 2012, fait de sa suppression une promesse de campagne. Rue de Valois, Aurélie Filippetti avait envisagé, sur les préconisations du rapport Lescure, sa fusion avec le CSA - une piste depuis écartée par Fleur Pellerin. Qui n’en a pas moins continué à réduire son budget, diminué de moitié en trois ans.

En juillet, un rapport sénatorial faisait d'un recentrage sur sa mission répressive le fil à plomb d'une «Hadopi rénovée». Au-delà de sa crise de gouvernance actuelle, c'est pourtant bien la question de son bilan qui est posée. Et, plus largement, celle d'une politique publique qui garantisse à la fois la viabilité de la création et l'accès à la culture à l'ère du partage en réseau. Le changement de majorité aurait pu et dû être l'occasion d'ouvrir - enfin ! - ce débat. Les pistes de réflexion ne manquaient pas. On est aujourd'hui très loin du compte.