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Redevance : passe d'armes entre Fleur Pellerin et Axelle Lemaire

La ministre de la Culture a proposé une extension aux box internet de la contribution à l'audiovisuel public. La secrétaire d'Etat y est peu favorable. Peur d'une mesure «antijeunes» ou problème de calendrier ?
Fleur Pellerin, le 21 juin 2015 à Paris. (Photo Kenzo Tribouillard. AFP)
publié le 3 septembre 2015 à 19h04

Elargira, élargira pas ? En pleine rentrée des médias et à l'approche de la prochaine loi de finances, le débat sur une modification de l'assiette de la redevance audiovisuelle – autrement dit, qui doit la payer – a encore rebondi ces deux derniers jours, avec une petite passe d'armes entre Fleur Pellerin, la ministre de la Culture, et sa collègue secrétaire d'Etat au numérique, Axelle Lemaire.

Hier, sur France Info, la locataire de la rue de Valois évoquait à nouveau la possibilité d'assujettir à la «contribution à l'audiovisuel public» non seulement les possesseurs d'un téléviseur, mais aussi ceux équipés d'une box internet – et non plus, comme cela avait été avancé jusqu'ici, les propriétaires d'un ordinateur, d'un smartphone ou d'une tablette. De fait, la logique est la même : prendre en compte les nouveaux usages. «Beaucoup de la consommation de la télévision passe par les box», juge Fleur Pellerin – une tendance qui ne peut que s'accentuer dans les années à venir, alors que la part des ménages équipés d'un téléviseur commence à s'éroder : entre 2013 et 2014, elle est passée de 98,1% à 96,7%.

«Pas tellement favorable»

Mais ce matin, lors d'un débat sur le plateau de l'Opinion, Axelle Lemaire s'est déclarée «pas tellement favorable» à cette option qui, dit-elle, «concerne moins de 2% des foyers en France» (un peu plus de 3%, en réalité) et qui aurait surtout le tort de toucher, dit-elle, «certainement les jeunes qui n'ont pas, ou ont fait le choix de ne pas avoir la télévision».

Certes, chacune est plus ou moins dans son rôle : une ministre de la Culture préoccupée de garantir la pérennité du financement de l'audiovisuel public, versus une secrétaire d'Etat au Numérique peu pressée de froisser un public de digital natives habitué aux contenus gratuits. La rue de Valois affirme pourtant qu'une éventuelle réforme ne devra toucher «ni les ménages jeunes ni les foyers fragiles».

Du côté de France Télévisions comme de Radio France, on est clairement favorable à un élargissement de l'assiette. Le secteur du numérique, lui, s'est jusqu'ici peu exprimé sur le sujet, même si Gilles Babinet, «digital champion» de la France auprès de la Commission européenne, signe aujourd'hui dans les Echos une tribune hostile à cette hypothèse… tout en mettant sur la table une piste nettement plus radicale : celle de la fiscalisation pure et simple, en faisant «supporter le financement [de la télévision publique] par le budget de la nation et non par des taxes».

Faire passer la pilule

Mais le fond du problème est sans doute ailleurs. En période de modération revendiquée de la «pression fiscale», comment faire passer la pilule d'une augmentation du produit de la redevance, rendue nécessaire par la disparition progressive de la dotation de l'Etat qui compense, depuis 2009, la surpression de la publicité après 20 heures sur les antennes de France Télévisions ? Du côté de Bercy, on souhaite manifestement se contenter d'augmenter légèrement le montant, aujourd'hui fixé à 136 euros, dans la prochaine loi de finances.

C'est également le point de vue de Patrick Bloche, qui préside la commission des affaires culturelles à l'Assemblée nationale et qui juge cette solution plus indolore. Interrogé la semaine dernière par Libération, le député socialiste n'y allait pas par quatre chemins, avançant que l'automne 2016 – lorsque le paiement de la redevance actuellement discutée sera effectivement demandé aux contribuables – «n'est pas forcément la période la plus opportune, à six mois de la présidentielle», pour y assujettir de nouveaux foyers. Les arbitrages, dit Fleur Pellerin, devraient être rendus «dans les prochains jours». Nul doute que la perspective de la campagne à venir pèsera lourd dans la balance.