Ce ne sont pas les noms qui marquent, mais les profils. Enarques, cadres supérieurs dans de grands groupes du CAC 40, anciens de cabinets ministériels, de la Cour des comptes, du conseil d'Etat… Ils éclairent sur les types de «cerveaux» qui travaillaient dans l'ombre au service du Front national pendant la présidentielle 2017. Ces «conseillers officieux», des «pointures» en poste dans «de grands ministères», que Marine Le Pen se vantait d'avoir à ses côtés, et «qui pourraient prendre des risques pour leur emploi s'ils s'exposaient plus». Peut-être aussi parce que leur CV prouve que le discours anti-«technocrates déconnectés du peuple» prôné par le parti d'extrême droite n'est qu'un leurre.
Dans une enquête parue lundi, Mediapart et BuzzFeed révèlent les noms d'une partie de ces «visiteurs du soir» de la dirigeante frontiste pendant la campagne. «Parmi eux, un conseiller du directeur de la Gendarmerie nationale (DGGN), un directeur commercial dans un grand groupe de BTP», écrit Mediapart.
Il y a par exemple André Rougé, 56 ans, un ancien collaborateur de Michel Debré passé par Assas. Il a travaillé au cabinet de Jacques Chirac à la mairie de Paris jusqu'en 1995, a fait partie des emplois «fictifs» de l'époque. Pendant la campagne, l'homme a participé à la préparation du programme frontiste via des notes signées du pseudonyme de «René Dargou». «C'est un vieil ami de Marine», dit un responsable frontiste cité par les deux sites d'informations, dont l'enquête s'appuie sur des documents internes, mails, photos, et témoignages.
Mediapart et Buzzfeed révèlent aussi le nom de Jérôme Turot, un avocat fiscaliste de 63 ans. «Cet ancien de Sciences-Po Paris et de l'ENA – major de la célèbre promo Voltaire, de François Hollande, Ségolène Royal, Dominique de Villepin –, a travaillé en cabinet ministériel et au Conseil d'État», peut-on lire.
Il y a encore Christophe Bay, en poste au cabinet du directeur de la DGGN (Direction générale de la gendarmerie nationale). Lui a travaillé sur le «chiffrage des économies Administrations publiques locales (APUL)» et livré des observations sur le programme de la candidate Le Pen. Christophe Bay est un ancien énarque qui, plus jeune, a milité à l'UED (Union des Étudiants des droites), syndicat qui à l'époque «servait en partie de repli au GUD, alors auto dissout», selon Mediapart.