Le parti de Marine Le Pen privé d'aides européennes. Après la justice française il y a quelques jours, le Parlement européen a coupé à son tour les subventions attribuées aux élus du Rassemblement national (ex-Front national) pour financer leurs activités ou recruter des collaborateurs, en raison des soupçons de détournement, révèle ce dimanche le Journal du dimanche.
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Interrogée lundi sur Europe 1, Marine Le Pen a dénoncé «un scandale» : «le premier parti d'opposition aujourd'hui est empêché d'activité politique […] c'est un questionnement très lourd du fonctionnement démocratique de notre pays», a-t-elle dit, évoquant les risques financiers que cette décision de justice pourrait faire peser sur sa formation. «Je n'ai aucune connaissance de ce à quoi pourrait correspondre cette procédure, mais je pense qu'il s'agit là d'un contre-feu maladroit et grossier qui démontre que le nouveau monde est peut-être pire encore que l'ancien : si dans une République on tente de ruiner les opposants politiques, alors nous ne sommes plus en démocratie», a-t-elle ajouté.
Début juillet, Marine Le Pen avait déjà dénoncé une «volonté d'assassiner» son mouvement après que les juges d'instruction parisiens eurent décidé de retenir 2 millions d'euros de subventions publiques qui devaient être débloqués pour RN au titre du financement de la vie politique pour l'année en cours. La justice française enquête sur un possible système d'emplois fictifs au sein du parti dirigé par l'ancienne candidate à l'élection présidentielle, entre 2009 et 2017.
Exemple concret des difficultés financières auquel devrait faire face le Rassemblement national en ce moment : le parti ne présentera pas de candidat à la législative partielle qui doit se tenir dans la 7e circonscription de la Réunion dans les semaines à venir, assure Marine Le Pen, faute d'argent, selon elle. En juin dernier, là-bas, la candidate FN (devenu RN depuis) avait fait moins de 5 %, mais au parti, on assure qu'on y serait retourné quand même : «on essaye d'être présent à chaque élection, notamment pour ne pas donner l'habitude à nos électeurs de voter pour quelqu'un d'autre», dit un cadre.
«D’autres privations de moyens» possibles
«D'autres privations de moyens pourraient être décidées», selon une source citée par le JDD. Bruxelles estime le préjudice supposé à quelque 7 millions d'euros sur la période courant de 2009 à 2017, si le système d'emplois fictifs était avéré. Onze personnes ou entités sont mises en examen dans ce dossier, dont le parti en tant que personne morale et dix assistants ou eurodéputés, parmi lesquels Marine Le Pen, depuis plus d'un an, et le député des Pyrénées-Orientales Louis Aliot. Les juges ont récemment prononcé les mises en examen de Bruno Gollnisch, l'un des cadres historiques du mouvement et de l'eurodéputé Nicolas Bay, vice-président du RN, rappelle le JDD.
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L'enquête a été ouverte en 2015 après un signalement de l'ex-président social-démocrate du Parlement européen, Martin Schulz. Les juges d'instruction français cherchent à déterminer si le parti, qui a changé de nom au mois de juin, a organisé un «système» de rémunération occulte. Des permanents du Rassemblement national auraient été salariés avec des fonds européens réservés à l'embauche d'assistants parlementaires.
Jean-Marie Le Pen a refusé une convocation policière
Jean-Marie Le Pen devait également être entendu dans cette affaire mais, toujours selon le JDD, l'homme a fait valoir son immunité d'eurodéputé pour ne pas recevoir des policiers anticorruption, le 21 juin dernier. «Tout était en place pour les recevoir, mais le comportement des autorités policières a été tellement arrogant que Jean-Marie Le Pen ne l'a pas admis et les a renvoyées, dans le cadre de son immunité parlementaire», a déclaré à l'AFP Lorrain de Saint-Affrique.
Compte tenu de l'âge, 90 ans, et de l'état de santé de Jean-Marie Le Pen, qui était alors hospitalisé, les policiers de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales lui avaient proposé de l'entendre dans ses bureaux à Montretout (Saint-Cloud, Hauts-de-Seine). «Mais il y a eu un problème épidermique de comportement qui n'était pas conforme à l'idée que Jean-Marie Le Pen se fait de son statut d'élu et de son rôle historique au FN», a expliqué le conseiller. Le cofondateur du FN a été hospitalisé onze jours en juin pour les suites d'une mauvaise grippe. Celui qui a présidé le FN près de quarante ans est visé par des procédures de recouvrement pour ces emplois d'assistants considérés comme fictifs par le Parlement européen.
Le tribunal de l’UE a ainsi confirmé que Jean-Marie Le Pen devait rembourser 320 000 euros au Parlement européen. Marine Le Pen doit aussi près de 300 000 euros au Parlement européen en raison de l’emploi douteux d’une assistante parlementaire quand elle était eurodéputée, avait confirmé le 19 juin la justice européenne.