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Libération
Bagarre

Le Mans : plusieurs arrestations après une descente d'extrême droite contre des bars «de gauche»

Un commando a saccagé samedi des établissements du centre-ville, dont un bar gay, après un rassemblement auquel s'étaient greffés des royalistes de l'Action française.
Au Mans (photo d'illustration). (Construction Photography/Avalon/Photo Getty Images)
publié le 16 décembre 2019 à 18h10

Cinq personnes, âgées de 18 à 29 ans, ont été arrêtées et placées en garde à vue, samedi soir, après la descente d'un commando d'extrême droite contre des cafés du Mans, réputés «de gauche», dont un bar gay. Les jeunes hommes, dont aucun n'était originaire de la ville selon France Bleu, à l'origine de l'information, portaient sur eux «des casques, des masques, des gants coqués, des matraques télescopiques» et, pour certains, «des foulards royalistes». Les faits qui leur sont reprochés se sont déroulés en marge d'un rassemblement visant à commémorer l'un des épisodes les plus meurtriers de la guerre de Vendée, où s'étaient greffés des militants de l'Action française, groupuscule contre-révolutionnaire d'extrême droite.

«Des éléments extérieurs venus pour s’affronter»

Le Souvenir vendéen, une association qui, «sans être de gauche, est à différencier des royalistes de l'Action française, commémore tous les ans le massacre par les Républicains de milliers de Vendéens de l'armée blanche, au Mans, en 1793», explique Jean-Yves Camus, chercheur spécialiste des droites radicales. «Samedi, il semble qu'il y ait eu, de part et d'autre, des manifestants et des contre-manifestants, des éléments extérieurs à la ville, venus pour s'affronter», ajoute-t-il. Le Mans n'est pas une ville réputée pour son extrême droite, ni ses mouvements antifas.

«Des membres de milieux traditionalistes ont rejoint la manifestation, ça a assez vite dégénéré, plusieurs dizaines de personnes, dont des gens cagoulés, armés de matraques et de battes de baseball ont pris pour cible des cafés qui ne correspondent pas à leur vision du monde, tels un bar "gay friendly" et un bar alternatif. Il y a eu des affrontements avec la police, les gens ont eu très peur», a expliqué une source à la mairie du Mans.

«Le Mans nationaliste»

Un groupuscule d'extrême droite, Ouest Casual, proche des Zouaves de Paris, un groupe radical violent né sur les cendres du GUD, a revendiqué dimanche sur sa page Facebook des affrontements avec des militants «antifascistes». «Malgré de nombreux appels des "antifas" à venir perturber la commémoration vendéenne, notre événement a bien eu lieu. Une centaine de types présents pour empêcher les perturbateurs, peut-on lire dans un compte rendu. Après la commémoration qui se déroule sans accrocs, la centaine de natios se retrouve au bar espérant une présence antifasciste. Une grosse soixantaine de têtes décide d'aller chercher directement les antifas dans un de leurs bars fétiches. Fidèles à eux-mêmes, les antifas se terrent dans leur bar.»

Dans une vidéo postée elle aussi sur Facebook, on peut apercevoir quelques hommes cagoulés, arpenter les rues du Mans en criant «Le Mans nationaliste». Lundi, le maire socialiste de la ville, Stéphane Le Foll, candidat à un nouveau mandat, a condamné sur Twitter les «comportements inacceptables» d'une bande «d'extrême droite» venue «pour casser». A noter que la manifestation de samedi, déclarée, et qui s'est «bien déroulée» avant les échauffourées, selon un porte-parole de l'Action française, avait reçu le soutien du candidat investi par le Rassemblement national, Louis de Cacqueray-Valménier. L'homme, 26 ans, est issu de milieux catholiques traditionalistes, «admirateur de Philippe de Villiers» et en même temps de Dieudonné, selon le Monde.

Les violences s'inscrivent dans une résurgence de l'Action française depuis quelques années, notamment auprès des milieux lycéens et universitaires. «Ce regain d'activité pour un mouvement plus que centenaire ne s'accompagne toutefois pas forcément d'actions violentes. Même si l'Action française a une tradition de bagarre de rue», souligne le politologue Jean-Yves Camus.