Menu
Libération
Récit

Municipales : le RN sollicite les dons de ses sympathisants, sans en avoir besoin

Comme à chaque élection, le parti de Marine Le Pen sollicite la générosité de ses adhérents pour aider ses candidats à «financer des tracts et affiches», qui sont pourtant en pratique gratuits pour le parti.
Convention des municipales du Rassemblement national à Paris, dimanche. (Yann CASTANIER/Photo Yann Castanier. Hans Lucas pour Libération)
publié le 15 janvier 2020 à 18h37

Il s'agit d'un usage «à chaque événement spécifique», justifie une source interne. Le Rassemblement national (RN) a lancé mardi un nouvel appel aux dons à ses sympathisants, pour sa campagne des municipales de 2020. C'est la deuxième requête en un mois concernant ce scrutin, après une lettre envoyée mi-décembre aux adhérents, au moment où devait se tenir à l'origine la «convention nationale municipale» de l'ex-FN, décalée à l'époque pour cause de grèves et manifestations contre la réforme des retraites. L'événement ayant eu lieu dimanche à Paris, avec quelques têtes de liste, le parti d'extrême droite a écrit à ses électeurs que «partout, sur l'ensemble du territoire […] des candidats […] ont besoin de vous : nous avons besoin de vous. Votre soutien permettra de financer tous les tracts et affiches dont [ils] ont besoin pour mener à bien leur campagne !»

«C’est d’un classicisme absolu»

Il ne faudrait surtout pas voir dans la démarche un appel à l'aide pour cause de «caisses vides», jure un cadre du RN. Le trésorier du parti, Wallerand de Saint-Just, se refuse de toute façon à donner des chiffres. La dernière sollicitation d'ampleur de la formation de Marine Le Pen remonte à avril dernier, dans le cadre des européennes, avec un «emprunt patriotique» qui lui aurait rapporté quatre millions d'euros en quinze jours. Alors pourquoi solliciter l'aide de donateurs pour «la bataille des municipales» s'interrogeait en décembre l'Express ? Selon l'hebdomadaire, le parti se refuserait à «accorder la moindre aide aux candidats»… A l'époque de son article, le directeur de campagne pour les municipales du RN, Gilles Pennelle, avait parlé d'un courrier «banal en cette fin d'année, comme tous les ans à la même époque», expliquant que «le siège national ne finance ni ne prête rien, rien, rien».

Wallerand de Saint-Just précise aujourd'hui : «C'est d'un classicisme absolu qu'on envoie les appels aux dons avant le 31 décembre, pour que les participants puissent bénéficier des réductions d'impôts.» Il dit aussi que, si le RN a «changé de gestion», et n'a pas créé de système centralisé de prêts aux candidats pour les municipales, comme il l'a déjà fait par le passé. Exemple aux législatives 2017, ce qui lui a valu des ennuis avec la justice dans le cadre de l'affaire Jeanne, les «candidats peuvent obtenir des prêts auprès de leurs fédérations, les dons au parti peuvent leur être redistribués de cette manière».

Gratuité

Dimanche, à la convention du parti, un stand invitait les têtes de liste de 2020 à s'inscrire sur une nouvelle plateforme en ligne «de gestion du R39», du nom de cet article du code électoral obligeant les candidats à respecter les standards de taille, grammages et intitulés des bulletins de vote et affiches, fixés à chaque élection par la loi. Le stand était tenu par des gens d'Imprimatur, imprimeur historique du Front national, situé à Limoges, qui promettait aux candidats des délais «rapides et tenus», et surtout de ne pas payer un centime : pour les «R39», les imprimeurs sont remboursés directement par les préfectures à chaque fois que les candidats ayant sollicité des bulletins obtiennent 5% des votes le jour de l'élection. Ils n'ont donc qu'à s'inscrire et laisser l'imprimeur s'occuper de tout. «Au pire, ce sera le parti qui paiera», explique un représentant de l'entreprise pour justifier la gratuité absolue.

Mais au RN, on dit tout autre chose. «Si c'était le cas, ça voudrait dire qu'il y aurait un accord entre Gilles Pennelle et Imprimatur, et on n'est pas au courant», élude un proche de Marine Le Pen. Un autre : «Des candidats du Front qui font moins de 5% aux municipales, c'est très rare. Si quelqu'un veut se présenter et qu'il a un risque de ne pas les faire, il n'est pas investi. Donc la question du remboursement des R39 par le parti ne se pose pas du tout.» Mais dans ce cas alors, pourquoi le RN aurait-il besoin de solliciter les donateurs pour les «tracts et affiches dont [les] candidats ont besoin pour mener à bien leur campagne ?» Mystère.