Une petite prise pour un petit rassemblement. Mais une prise quand même. Alors qu'il drague depuis des mois Nicolas Dupont-Aignan, le RN de Marine Le Pen a fini par obtenir dimanche le ralliement de son porte-parole, Jean-Philippe Tanguy. Inconnu du grand public, il travaillait avec le député, président de Debout la France, depuis huit ans. Dimanche, au Figaro, Tanguy a justifié ainsi son départ de la maison : s'il ne soutient pas Le Pen, Debout la France va «dans une impasse». Tanguy est sûr que la présidente du RN «sera au second tour» en 2022. Elle est donc «la candidate naturelle pour faire gagner [ses] idées». «Fondamentalement, je ne vois aucune différence entre Debout la France et le RN.»
Rassemblement des patriotes
De Jordan Bardella à Sébastien Chenu, les cadres de la formation d'extrême droite se sont empressés de féliciter Tanguy pour «son courage et sa démarche». Lui souhaitant la «bienvenue», certains y ont vu là les prémices d'un «rassemblement se constituant autour de Marine Le Pen» pour la présidentielle, pour laquelle elle s'est déjà portée candidate, comme Dupont-Aignan.
L'ex-Front national a changé de nom en 2018 pour se muer en Rassemblement national, espérant que ce ripolinage allait rassurer les futurs alliés potentiels, inquiets de l'image et du passé sulfureux auquel son nom historique renvoyait. Le RN se veut l'architecte du rassemblement des «patriotes» contre les «mondialistes» dont Macron est l'archétype mais qui s'applique à tout le «système». Reste que le mouvement n'a engrangé aucun rapprochement depuis, si l'on met de côté les quelques discours opportunistes de candidats aux municipales, qui à la fin n'ont pas été élus, il n'y a eu pour l'heure que l'arrivée de l'ancien député Thierry Mariani, avec son acolyte de la «droite populaire» Jean-Paul Garraud. Tous deux étaient marginalisés à LR, n'avaient plus de mandats en cours ni d'espoirs d'investitures, se sont cherchés une place au chaud avant les européennes de 2019. Ils sont devenus députés européens.
Derrière le ralliement de Tanguy, il ne faudrait voir aucune ambition personnelle, même si l'homme de 34 ans s'était vu refuser au printemps la tête de liste de Debout la France pour les régionales dans les Hauts-de-France. Celui qui s'est présenté contre Marine Le Pen en 2009 et en 2015 n'aurait rien «dealé» avec le RN pour les prochaines élections, assure-t-il : après «si on me propose une place sur une liste, je ne dis pas non. La politique, c'est se faire élire».
Caillou dans la chaussure
Tanguy est le deuxième porte-parole de Debout la France à rejoindre le mouvement mariniste, depuis Laurent Jacobelli, au moment des dernières législatives. Il avait été l'un des artisans du rapprochement entre Dupont-Aignan et Marine Le Pen pour le second tour de la présidentielle 2017. Quand le souverainiste s'était affiché avec la dirigeante d'extrême droite pour «faire barrage à Macron», en l'échange de l'idée qu'il pourrait être son Premier ministre. Les deux formations avaient en outre négocié un pacte de non-agression dans une cinquantaine de circos aux législatives qui ont suivi.
Le choix de Dupont-Aignan avait provoqué une vague de départs chez DLF, un parti qui se dit «gaulliste». Et son dirigeant avait rapidement fait machine arrière pour parler d'une «union libre» avec Le Pen à la place de «mariage». En 2019, la dirigeante frontiste avait écrit une lettre ouverte au patron de Debout la France pour lui demander de reproduire son geste «historique» de 2017, en réunissant à nouveau le «camp des patriotes». Mais elle s'était pris un râteau. Tanguy raconte avoir essayé depuis de réconcilier les deux «pendant trois mois. Et Marine était volontaire».
«Le Pen est aujourd'hui dans une grande fragilité, en interne comme à l'extérieur de son parti. Personne ne veut d'elle, pas plus que de Macron. Elle tente de rallier Dupont-Aignan pour montrer qu'elle maîtrise quelque chose», dit-on à DLF, qui a récemment pris pour slogan «ni système, ni extrême». En interne, on voudrait voir dans la démarche d'accueillir Tanguy une «mesquinerie politique sans importance qui prouve que Le Pen n'a que des ambitions de seconde zone». Beau joueur, Dupont-Aignan indique que son ancien bras droit est un «garçon de talent». Avant d'ajouter : «Son départ ne m'empêchera pas de dormir. Un de perdu dix de retrouvés.» Selon lui, la chose servirait de «clarification de la ligne» et prouverait que sa candidature est «le caillou dans la chaussure de Le Pen». Au lendemain de l'annonce du ralliement du Jean-Philippe Tanguy au RN, sa biographie et tous ses passages télés avaient été supprimés du site de Debout la France.