Alors que la COP28 s’ouvre ce jeudi 30 novembre à Dubaï, et que le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, appelle à une «élimination progressive» et complète des combustibles fossiles, le monde des hydrocarbures ne semble pourtant pas sur la route de la rédemption. 437 projets pétroliers et gaziers ont été officiellement approuvés dans le monde en 2022 et 2023 selon des chiffres de l’ONG Reclaim finance et ont obtenu leur décision finale d’investissement afin de développer un champ d’hydrocarbures. Au total, ces centaines de nouveaux projets d’extraction et d’installations pétrolières et gazières impliquent environ 200 entreprises privées et publiques et se répartissent dans 58 pays.
Ces données, arrêtées au 23 novembre, illustrent le décalage persistant entre le monde des hydrocarbures et les recommandations formulées par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) pour tenir la trajectoire de la neutralité carbone en 2050. En mai 2021, l’agence lançait déjà un avertissement explosif : «Aucun nouveau projet de champs gaziers et pétroliers n’est nécessaire au-delà de ceux qui ont déjà été approuvés en vue de leur développement.»
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Depuis, deux COP se sont tenues sans mention du pétrole et du gaz, causes principales du réchauffement avec le charbon. «On est en plein déni de l’urgence écologique et des conclusions qui sont portées par les scientifiques du Giec, mais aussi par les projections de l’Agence internationale de l’énergie», souligne Lucie Pinson, directrice de Reclaim Finance.
Rôle prépondérant des compagnies des pays producteurs
Deux ans après le rapport de l’AIE, l’expansion des énergies fossiles – comprenant le charbon, le pétrole et le gaz naturel – n’a donc pas cessé. Chaque projet en cours peut être composé de plusieurs champs et avoir plusieurs entreprises comme actionnaires. Une fois mis en production, ces projets produiront pendant des années du pétrole, pour 60 % des volumes, et du gaz, pour 40 %.
Les données confirment le rôle prépondérant des compagnies installées dans les pays producteurs. Des acteurs très discrets, moins soumis à la pression de l’opinion sur le climat que les majors occidentales. D’une part, 57 % des projets pétrogaziers sont entrepris par des compagnies nationales de pays producteurs. Celle dirigée par l’Etat saoudien, Aramco, premier producteur d’or noir au monde, arrive en tête des plus gros développeurs de projets pétroliers avec 17 % de la production attendue, suivie de l’Américaine ExxonMobil, la Brésilienne Petrobras et l’Emiratie Adnoc, compagnie d’Etat dirigée par le président de la COP28, Sultan Al Jaber, à égalité avec QatarEnergy. Pour le gaz, le plus gros développeur en volumes est QatarEnergy, suivi de Shell, Aramco et Adnoc.
43 % de ces projets sont par ailleurs menés par des compagnies privées, largement représentés par des mastodontes du secteur : BP, ConocoPhillips, Chevron, Eni, ExxonMobil, Shell, et TotalEnergies.
On retrouve souvent les mêmes noms en ce qui concerne les pays accueillant les plus gros volumes attendus de production de gaz et pétrole, que sont notamment le Qatar, l’Arabie Saoudite, le Brésil, les Etats-Unis et les Emirats arabes unis. La Russie concentre quant à elle le plus grand nombre de projets, au nombre d’une cinquantaine. Elle se place juste devant la Norvège et ses 33 projets.
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L’AIE a beau entrevoir un pic mondial de la demande de gaz et pétrole d’ici 2030, le secteur pétrogazier estime que l’essor des énergies renouvelables n’est pas assez rapide pour remplacer les énergies fossiles. TotalEnergies, à l’origine d’un méga projet pétrolier controversé en Ouganda et en Tanzanie, compte d’ailleurs augmenter sa production d’hydrocarbures de 2 % à 3 % dans les cinq prochaines années. Le monde en a encore «désespérément besoin», se justifiait de son côté en juillet le directeur général de Shell, Wael Sawan.
Des compagnies européennes comme Shell, BP et Enel ont même annoncé une révision à la baisse de certains de leurs objectifs en termes de transition énergétique. «La phase terminale de l’ère fossile telle que nous la connaissons», comme l’a réclamé ce jeudi 30 novembre le chef de l’ONU climat, s’apparenterait presque à un mirage.