Une sacrée reculade. Les discussions à l’Assemblée sur le futur énergétique de la France sont devenues électriques ce jeudi 19 juin, avec l’adoption surprise d’un moratoire sur le développement de nouvelles installations éoliennes et photovoltaïques, contre l’avis du gouvernement.
C’est un amendement de la loi sur l’avenir énergétique de la France, portée par le député LR Jérôme Nury, qui a été adopté de justesse par la droite et l’extrême droite face aux bancs dégarnis de la gauche et des groupes du bloc central. Le RN n’a eu de cesse de dénoncer tout au long des débats des énergies coûteuses et «intermittentes».
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Dans la foulée du vote, les orateurs PS, écologiste et LFI se sont succédé au micro pour dénoncer ce vote, et réclamer le retrait du texte. Une demande rejetée par le ministre de l’Industrie Marc Ferracci (Renaissance), qui a déclaré vouloir que l’examen aille «à son terme». Il pourra se poursuivre vendredi s’il n’est pas achevé dans la nuit jeudi.
Un vote solennel sur cette proposition de loi, portée à l’origine par le sénateur Daniel Gremillet (LR), est prévu mardi 24 juin. Plusieurs députés insoumis ont interpellé dans l’hémicycle les députés macronistes, leur demandant s’ils approuveraient ce texte au moment du vote. Si c’est le cas, la mesure pourrait être retirée au cours de la navette, le texte devant revenir en deuxième lecture au Sénat les 8 et 9 juillet.
Le gouvernement, de son côté, a prévenu avant les débats qu’il publierait le décret fixant la nouvelle feuille de route énergétique de la France pour la période 2025-2035 avant la fin de l’été. Soit avant l’adoption définitive de ce texte inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée sous la pression du RN.
Catastrophe économique et écologique
«Quand la démocratie parlementaire ne va pas dans le sens qui leur plaît, ils contournent !», a fustigé sur X le député RN Jean-Philippe Tanguy, face aux demandes de retrait à gauche. La veille, le Rassemblement national avait déjà engrangé une victoire, les députés ayant approuvé le redémarrage de la centrale nucléaire de Fessenheim, fermée en 2020.
Jeudi, le rapporteur du texte Antoine Armand (Renaissance), tout en rejetant lui aussi la demande de retrait, a fustigé l’introduction du moratoire, une «catastrophe économique et industrielle», oubliant le revers infligé également aux ambitions climatiques de la France. Le pays est d’ailleurs très en retard sur ses objectifs d’énergie renouvelable, fixés par l’Union européenne.
«Ce qui a été adopté (jeudi), je le dis avec gravité, avec solennité, est parfaitement irresponsable», et «dévastateur», s’est également désolé Marc Ferracci, déplorant le «signal» envoyé aux acteurs industriels. «Le gouvernement assumera» ses responsabilités «jusqu’à la fin de ce texte, dans le respect de nos procédures démocratiques», a toutefois poursuivi Marc Ferracci.
Environnement
Le Syndicat des énergies renouvelables s’était alarmé par avance jeudi matin de la tournure du texte. De son côté, France Renouvelables, organisation professionnelle spécialisée rassemblant plus de 360 membres, a dénoncé après le vote, un amendement «argumenté à l’appui d’éléments mensongers». Ce vote est «un des plus grands plans sociaux décidés à l’Assemblée» avec «en ligne directe la destruction de 80 000 emplois», ajoute l’organisation, qui appelle «la représentation nationale à revenir à la raison».
Plus tôt dans la journée, l’Assemblée avait approuvé un objectif de production d’énergie renouvelable pour 2030, donnant son feu vert à un amendement de la députée socialiste Marie-Noëlle Battistel. Celui-ci prévoit que sur les 560 térawattheures (TWh) d’électricité décarbonée qui devront être produits en 2030, «au moins 200» devront être «issus de sources renouvelables».
Dissonance
Cet amendement, qui a reçu un avis de sagesse d’Antoine Armand et du gouvernement, c’est-à-dire qu’ils ne se sont pas prononcés, a été adopté avec les voix de tous les groupes, y compris LR, contre le RN et ses alliés ciottistes de l’UDR. «Comment peut-on faire 200 térawattheures d’électricité renouvelable sans éolien terrestre, sans éolien maritime et sans photovoltaïque ?», a demandé Matthias Tavel (LFI). Antoine Armand a aussi interpellé les LR sur la dissonance entre ces votes sur le moratoire et les énergies renouvelables, demandant une «clarification».
La gauche avait, elle, regretté que les amendements visant à donner des objectifs chiffrés par filière (éolien, hydraulique, solaire, etc.) n’aient pas été retenus, y voyant un «signal extrêmement mauvais» envoyé à la filière.