Une nouvelle mobilisation entravée. Le week-end de rassemblement festif du 4 au 6 juillet contre l’autoroute A69, ce ruban de bitume de 53 kilomètres censé relier Toulouse et Castres, a été interdit mardi 1er juillet par arrêté préfectoral. Les services de l’Etat invoquent «des risques manifestes de troubles graves à l’ordre public» et les «violences graves et répétées» auxquelles les précédentes manifestations de ce genre ont donné lieu.
Ainsi, tout rassemblement est interdit dans les 17 communes tarnaises du tracé autoroutier du jeudi 3 juillet à 8 heures, jusqu’au lundi 7 juillet à 20 heures, précise le texte publié mardi soir. «De par tous les messages de soutien qu’on reçoit et toutes les personnes qui ont envie de venir […] on s’attend à être nombreux», affirme toutefois Martin, l’un des organisateurs qui souhaite rester anonyme. Dans leurs précédents arrêtés annonçant des mesures de police renforcées, les préfectures du Tarn et de Haute-Garonne ont évoqué «au minimum 2 000 participants selon les services de renseignement».
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A partir de vendredi après-midi et jusqu’à dimanche, les anti-A69 sont appelés par des collectifs écologistes, parmi lesquels les Soulèvements de la Terre, à participer à une «Turboteuf» et réaffirmer que «l’A69, c’est toujours non», dans un lieu encore inconnu «aux abords du tracé de l’autoroute». Or, à ce jour, «aucune organisation ni association n’a déclaré assumer la responsabilité juridique de cet événement» et des messages circulant sur les réseaux sociaux «appellent explicitement à des actes violents et à des actions de destruction», a critiqué la préfecture du Tarn.
Les services de l’Etat ont d’abord pris des mesures de police spécifiques sur 24 communes, interdisant par exemple le transport de carburant, de produits chimiques, de peinture en aérosol, de pneus usagés ou d’autres matériaux combustibles, éléments susceptibles selon eux d’être utilisés par les manifestants. «La préfecture […] fait monter la sauce de manière à faire peur à l’opposition, à impressionner les gens […] parce qu’ils n’ont pas envie qu’on se rassemble et qu’on manifeste notre désaccord, mais cela ne pas va nous en empêcher», a assuré Martin.
Proposition de loi rétroactive
Depuis le printemps 2023 et les premiers coups de pioche du chantier, la contestation est montée en intensité, prenant différentes formes : manifestations, grèves de la faim, occupations d’arbres au cœur de zones à défendre, ou encore recours juridiques.
Fin février, le tribunal administratif de Toulouse a ordonné une interruption des travaux de l’autoroute, estimant qu’il n’y avait pas de raison impérative d’intérêt public majeur pour justifier les dégâts causés à l’environnement. Cette décision, saluée comme une victoire par les opposants, a donné lieu à plusieurs recours des pro-autoroute : d’un côté devant la justice administrative, de l’autre, par le biais d’une proposition de loi visant à valider rétroactivement les autorisations environnementales du chantier. Celle-ci devrait faire l’objet d’une adoption dans les prochains jours, après un ultime vote dans les deux chambres du parlement.
«A notre connaissance, c’est la première fois que des élus essaient de contourner une décision de justice [en passant par la voie parlementaire, ndlr] c’est quand même un tournant autoritaire sans précédent que l’on constate autour de cette lutte», dénonce Martin.
Reportage
Parallèlement, avant l’examen du dossier au fond prévu à la fin de l’année, la cour administrative d’appel de Toulouse a autorisé fin mai une reprise du chantier. Cette bataille juridico-politique entre pro et anti se traduit par de fortes tensions locales. Ces derniers jours, des enquêtes ont été ouvertes par le parquet de Castres, notamment pour «dégradations», alors que des propriétés d’opposants à l’A69 ont été ciblées par des tags, des pancartes nominatives ou des actes de malveillance. Ainsi, un agriculteur sympathisant de la lutte a vu son système d’irrigation détruit par trois personnes, qui ont été placées en garde à vue le 1er juillet.
La «Turboteuf» est la quatrième mobilisation d’ampleur, après des rassemblements en avril et octobre 2023 puis juin 2024, les deux derniers étant marqués par des affrontements avec les forces de l’ordre et des violences dénoncées des deux côtés.
En parallèle, 16 militants écologistes ont été condamnés mardi à des amendes avec sursis de 400 à 500 euros pour entrave au chantier de l’A69 Toulouse-Castres, car ils s’étaient perchés dans des arbres pour éviter leur abattage. Connus comme les «écureuils», ils avaient occupé en 2023 et 2024 à diverses reprises, en y installant des tentes ou des cabanes, des arbres situés sur le tracé de l’autoroute, qui ont finalement été abattus. Les condamnations prononcées mardi par le tribunal correctionnel de Castres sont «très symboliques», a réagi leur avocate Clémence Durand, qui avait plaidé la relaxe.