Vers un nouveau rebondissement dans le dossier de l’autoroute controversée. Le rapporteur public, magistrat dont l’avis est souvent suivi par les juridictions administratives, a confirmé ce mercredi 21 mai être favorable à une reprise des travaux de l’A69 entre Castres et Toulouse, justifiée selon lui «par nature», du fait de l’importance des villes reliées.
Depuis le matin, trois magistrats de la cour administrative d’appel de Toulouse examinent une demande de l’Etat visant à faire reprendre les travaux de l’autoroute A69 arrêtés depuis fin février. Dans le détail, il s’agit d’une demande de «sursis à exécution», un outil procédural qui, en matière de justice administrative, peut permettre de suspendre les effets d’un jugement en attendant l’audience au fond en appel.
Décryptage
Dans une salle comble, Frédéric Diard, rapporteur public, a estimé ce mercredi que les conditions pour accorder la suspension des effets du jugement réclamée par l’Etat «semblent réunies au regard des textes et de la jurisprudence». Dans le cas de l’A69, si les juges font droit à la demande, cela signifierait une reprise des travaux de l’autoroute arrêtés par un jugement du 27 février du tribunal administratif de Toulouse, qui avait annulé l’autorisation environnementale accordée par les préfectures locales pour engager le chantier. La décision sera rendue «d’ici au 28 mai».
Dans un avis communiqué lundi aux différentes parties, le rapporteur public, magistrat ayant vocation à éclairer la juridiction saisie et dont les positions sont en général suivies, s’était déjà prononcé en faveur d’une reprise du chantier. Selon une des avocates des opposants, il estimait en effet que les éléments prévus pour accorder un sursis à exécution sont réunis, à savoir des «arguments sérieux» allant contre la décision rendue en première instance, et les «conséquences difficilement réparables» que risque d’entraîner cette décision.
«Une pure folie»
La Voie est Libre, le principal groupe d’opposants à l’autoroute, s’était dite «extrêmement surpris» par cette position du rapporteur. «On ne peut pas croire que les procédures d’urgence […] puissent balayer une décision de fond si tranchée et minutieusement argumentée», affirmait le collectif écologiste dont les membres disent rester «cependant confiants sur la décision des juges du sursis». «Au vu de la qualité du jugement de première instance, (ils) ne permettront pas le redémarrage provisoire du fiasco A69», espèraient-ils, estimant qu’une reprise des travaux, avant l’audience d’appel au fond attendue dans quelques mois, serait «une pure folie».
De son côté, Jean Terlier, député macroniste du Tarn et fervent défenseur de l’autoroute, avait jugé sur LCP que l’avis du rapporteur était «une très bonne nouvelle» allant «dans le bon sens», en attendant la décision des juges de la cour.
Reportage
En parallèle, le sujet A69 s’invite aussi à l’Assemblée nationale ce mercredi. Les députés examineront en commission du Développement durable une proposition de loi – adoptée au Sénat la semaine dernière – pour valider rétroactivement les arrêtés cassés par la justice. «Elle doit permettre d’aboutir le plus rapidement possible à une reprise des travaux», a argué mardi le même Jean Terlier, qui défend le texte à la chambre basse.
Une façon de revenir sur la décision du tribunal administratif de Toulouse qui avait estimé que les travaux ne présentaient pas de «raison impérative d’intérêt public majeur» permettant de déroger «à l’objectif de conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvages».
Cette forme de loi atypique suscite des levées de bouclier à gauche : «On propose tout simplement de piétiner la séparation des pouvoirs» entre le législatif et le judiciaire, s’est insurgée mardi la députée LFI Anne Stambach-Terrenoir. Insoumis, écologistes et communistes sont défavorables au texte, tout comme les socialistes, qui ont décidé en réunion de groupe de voter contre, à l’inverse de certains de leurs homologues sénateurs. «Une loi n’a pas à se substituer à une décision de justice», défend Arthur Delaporte (PS).
«Raison impérative d’intérêt public majeur»
A l’inverse, la droite et le RN devraient largement soutenir l’initiative en commission. «L’arrêt des travaux nous coûte des millions d’euros et puis il y a quand même un sujet de désenclaver des territoires ruraux», défend Timothée Houssin (RN).
Le député LR Ian Boucard proposera lui de réécrire le texte, pour non seulement valider les arrêtés mais aussi conférer au projet une «raison impérative d’intérêt public majeur», et apporter des garanties constitutionnelles à la rédaction, dans l’idée d’écarter toute nouvelle interruption. «Si les travaux reprennent, il faut que ce soit pour de bon et sans interruption», avance-t-il. La proposition de loi doit être examinée le 2 juin dans l’hémicycle.
A lire aussi
De leur côté, des opposants à l’autoroute ont d’ores et déjà lancé un appel à une «fête d’enterrement» de l’autoroute début juillet dans le Tarn, la «Turboteuf L’A69 c’est fini». «Nous ne laisserons pas poursuivre jusqu’au bout leur politique de la destruction accomplie et arguer qu’un chantier ne peut plus être arrêté puisqu’il est déjà trop avancé», préviennent les organisateurs du rassemblement dans le texte d’annonce de la manifestation diffusée sur une boucle Telegram d’opposants à l’A69 et relayée, notamment, par les Soulèvements de la Terre.
Depuis le début du chantier en 2023, le projet de création de 53 kilomètres d’autoroute devant relier Castres à Toulouse fait l’objet d’une très vive contestation, sous différentes formes : campements dans les arbres sous forme de Zones à défendre (ZAD), grèves de la faim, recours juridiques et manifestations.
Trois grands rassemblements ont déjà réuni à chaque fois plusieurs milliers d’opposants dans le Tarn : en avril puis octobre 2023 et enfin, en juin 2024, les deux derniers étant marqués par des affrontements avec les forces de l’ordre.
Mise à jour : à 15h27, avec l’ajout des propos du rapporteur public tenus ce mercredi.