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Ecologie

Agnès Pannier-Runacher, nouvelle ministre de la Transition écologique, de l’Energie et du Climat

Gouvernement Bayroudossier
Cette figure de l’aile gauche de la macronie et ancienne ministre de la Transition énergétique succède à Christophe Béchu avec un large portefeuille. Son agenda sera chargé et il lui faudra déterrer nombre de dossiers enlisés.
Agnès Pannier-Runacher le 9 juin. (Alain Jocard/AFP)
publié le 21 septembre 2024 à 20h01

Une rescapée. Il y a neuf mois, lors de la composition du gouvernement Attal, Agnès Pannier-Runacher avait failli sauter pour avoir côtoyé, dans les appartements de Clément Beaune, certains de ses collègues ministres qui menaçaient de claquer la porte car en opposition avec la loi immigration et ses ajouts droitiers, apportés par LR mais acceptés par Gérald Darmanin et Elisabeth Borne. L’ancienne ministre de la Transition énergétique avait été repêchée in extremis et posé sur un strapontin à l’Agriculture, sous tutelle du Modem Marc Fesneau.

La résurrection est rapide : dans ce gouvernement Barnier, Agnès Pannier-Runacher est propulsée à la Transition écologique, l’Energie, le Climat et la Prévention des risques en remplacement de Christophe Béchu qui redevient maire d’Angers (Maine-et-Loire). L’élu de droite (Horizons) n’aura pas pu défendre l’objet politique qu’il s’était choisi, à savoir le troisième plan d’adaptation au changement climatique, censé préparer la France à affronter une hausse de 4°C à la fin du siècle. Ce dossier, bouclé mais jamais présenté aux Français, «sera sur le dessus de la pile pour mon successeur», a espéré Béchu dans un entretien au Courrier de l’Ouest jeudi 19 septembre.

Totalement opposée à la suppression de l’AME

Celle qui se dit «de gauche» est censée, comme Didier Migaud à la Justice, rééquilibrer l’aspect très droitier de ce nouveau gouvernement. Dans ses interventions médias précédant les nominations, «APR» a rappelé, par exemple, son opposition totale à la suppression de l’aide médicale d’Etat (AME), comme le veut LR : «La supprimer, ce serait inutile pour lutter contre l’immigration illégale et dangereux pour l’hôpital et la santé des français», a-t-elle par exemple déclaré sur TF1 le 13 septembre. Lors de la même interview, elle s’opposait également à une taxation supplémentaire d’EDF : «Quel intérêt pour le climat ? Pourquoi taxer le nucléaire ?»

A voir donc si la députée du Pas-de-Calais, élue en duel face au Rassemblement national grâce au désistement d’un écologiste, aura assez de poids politique pour contrer les volontés extrémistes de ses nouveaux camarades de banc dans les domaines de l’éducation ou vis-à-vis des immigrés.

Empêcher de nouvelles coupes budgétaires vertes

Au gouvernement depuis 2018 (elle a commencé par un poste de secrétaire d’Etat non défini à Bercy), Agnès Pannier-Runacher retourne donc à Roquelaure, où elle avait fait un premier passage de 2022 à 2024, en tant que ministre de la Transition énergétique, en duo avec Christophe Béchu, dans ce qui était alors un grand ministère bicéphale. Seule aux commandes, avec l’Energie dans son portefeuille qui fait son retour boulevard Saint-Germain après avoir été déplacé à Bercy en janvier, l’énarque (même promotion que le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler) va devoir s’atteler à des dossiers aux arbitrages décisifs.

La nouvelle ministre, qui a la réputation de savoir faire avancer ses dossiers et avait confié en 2022 se donner pour mission de «sortir la France des énergies fossiles», aura quelques jours pour tenter d’empêcher de nouvelles coupes budgétaires vertes avant la présentation du projet de loi finances pour 2025. Parviendra-t-elle à convaincre Michel Barnier, qui fut ministre de l’Environnement entre 1993 et 1995, de s’atteler à la «dette écologique» de la France comme il l’avait déclaré le soir de son arrivée à Matignon ? Ou sera-t-elle condamnée par la rigueur à être l’un des maillons faibles d’un gouvernement oublieux du péril écologique ?

Feuilles de route essentielles

Le reste de l’agenda vert sera tout aussi chargé. Outre le plan d’adaptation, Agnès Pannier-Runacher devra s’atteler à la programmation pluriannuelle de l’énergie (qui fixe les objectifs de développement des énergies renouvelables et du nucléaire par exemple) et à la troisième stratégie nationale bas carbone (qui établit la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre), deux feuilles de route essentielles. Le nouvel exécutif voudra-t-il faire voter une grande loi de programmation énergie climat comprenant tous les objectifs du pays ou le projet sera-t-il définitivement abandonné ? La ministre devra aussi préparer deux événements majeurs à venir d’ici à la fin de l’année : la COP 29 en Azerbaïdjan, ainsi que la COP 16 biodiversité en Colombie.

Samedi après-midi, lors des Rencontres de la sociale écologie à Beaucouzé (Maine-et-Loire), Agnès Pannier-Runacher a esquissé sa feuille de route : «Il faut arriver à construire ce discours et ce narratif qui réconcilie fin du monde et fin du mois», «montrer le pouvoir d’achat peut coïncider avec l’écologie.» Avec des collègues dont certains flirtent avec le climatoscepticisme, il va falloir plus que des mots.