De ses larges mains brunies par le soleil, Christophe Annaheim, 41 ans, ratisse le sel de son bassin, d’un côté puis de l’autre. «Depuis le dernier épisode de pluie mi-juin, c’est non-stop, on enchaîne. Pas un seul jour de repos», soupire-t-il derrière ses lunettes teintées, casquette noire vissée sur la tête. À l’aide du long râteau en bois, le las, le paludier des marais salants de Guérande (Loire-Atlantique) brise la croûte de sel lorsque l’eau de mer s’est suffisamment évaporée. Un geste qu’il répète en boucle depuis 5 heures ce matin. «A la base, c’est un métier passion, mais là c’est dur. Quand je me lève le matin, j’y vais presque à reculons parce que c’est usant. A un moment donné, le corps ne tient plus.» Le souffle de son effort accompagne celui du vent iodé, qui rafraîchit par intermittence l’air étouffant et se mêle au clapotis de l’eau.
Depuis une dizaine d’années, Christophe est l’un des 220 paludiers que regroupe la coopérative des Salines de Guérande, la plus grande d’une région aux paysages dessinés par la production de sel. Alors que la France fait face à une sécheresse d’ampleur, les paludiers sont à pied d’œuvre depuis fin avril dans les marais salants, contre juin habituellement. Avec les changements climatiques, la saison de récolte du sel commence de plus en plus tôt dans l’année.
«J’ai la crainte qu’à un moment mon corps ne veuille plus y aller»
Les paludiers, derniers agriculteurs