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Libération
Hypocrisie

Le Brésil a facilité l’usage des pesticides la veille de la COP28

Le mardi 28 novembre, soit 48 heures avant l’ouverture de la COP28 de Dubaï, le Sénat brésilien a approuvé une loi facilitant l’usage des pesticides et leur mise sur le marché. Une décision à l’opposé du discours porté par le président Lula, qui se fait le chantre de la lutte contre le dérèglement climatique.
Un ouvrier agricole remplit le réservoir d'un drone de pesticides dans le Goiás, dans le centre du Brésil, en 2022. (Mateus Bonomi/Anadolu.AFP)
publié le 4 décembre 2023 à 18h37

Elle est décrite par ses détracteurs comme «la loi du poison». Mardi 28 novembre, le Sénat brésilien a massivement voté en faveur d’une loi assouplissant la réglementation du pays en matière de pesticides, déjà le plus grand consommateur de ces substances au monde. Après avoir passé plus de vingt-quatre ans dans les cartons, ce nouveau cadre réglementaire, approuvé par la Chambre haute à la veille de la COP28, semble entrer en contradiction avec les objectifs environnementaux portés par le président Lula.

D’un côté, le nombre de contrôles sur les pesticides sera abaissé et «l’analyse des risques» remplacera l’ancienne dénomination dite d’«évaluation des dangers». De l’autre, les autorisations de mises sur le marché seront facilitées et accélérées, y compris pour les substances cancérogènes. Le projet de loi prévoit notamment une période d’homologation maximale de deux ans pour les nouveaux pesticides, contre une moyenne de huit à dix ans aujourd’hui.

«L’approbation modernisera le processus d’autorisation de nouvelles molécules pour l’agriculture brésilienne dans un souci de durabilité, de respect de l’environnement et des êtres humains, sans résidus dans les aliments», s’est félicité le ministre de l’Agriculture brésilien, Carlos Favaro, dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux. Il sera désormais chargé de coordonner ces nouvelles procédures. Favaro a également souligné que «l’un des aspects les plus importants du texte voté est qu’aucune nouvelle molécule ne peut être approuvée si elle n’est pas moins nocive que celles qui l’ont précédée».

Une loi controversée

Ce texte du Sénat est symbole de victoire pour le secteur de l’agrobusiness brésilien, un acteur essentiel de l’économie, et faisait partie de l’une de ses priorités. Eduardo Leão, président de CropLife Brasil, une entreprise spécialisée dans les produits agrochimiques, s’est réjoui de ce vote : «Le projet de loi introduit des processus plus avancés et plus transparents, tout en maintenant des critères techniques et scientifiques rigoureux pour l’approbation de nouvelles substances.»

A l’opposé, The Permanent Campaign Against the Pesticide, une association luttant contre l’usage des produits phytosanitaires, a exhorté le président Lula de Silva à apposer son veto au projet de loi lors de l’approbation finale du texte. L’organisation soutient qu’il s’agit d’un «pas en arrière» qui pourrait nuire à la crédibilité du Brésil lors de la COP28 à Dubaï. «Le Brésil pourrait être confronté à des défis importants pour maintenir son leadership environnemental proclamé, arrivant avec une réputation affaiblie» souligne l’organisation dans un communiqué, cité par le quotidien brésilien Valor economico.

Vanessa Pedroza, porte-parole de Greenpeace, interrogée par France Inter, partage cet avis : «Le fait que cette loi soit votée juste avant la COP, sous le gouvernement Lula, est une immense contradiction. […] Lula est sous une immense pression des parlementaires proches de l’agro-industrie, qui disposent d’une forte majorité au Congrès et parviennent à faire avancer leurs projets.» Après des années de désastres environnementaux sous Bolsonaro, la mise en place d’un agenda écologique a encore des difficultés à s’imposer au Brésil.