Les agriculteurs sont de retour dans la rue. Un an après un mouvement historique, éleveurs, céréaliers et autres maraîchers dénoncent leurs conditions de travail. Libération publie des témoignages des premiers concernés. Ils se livrent sur leurs difficultés entre aléas climatiques, crises sanitaires, normes jugées trop lourdes et craintes sur le marché international. Aujourd’hui, la parole est à Mélanie Tarlant, vigneronne en Champagne.
«Cela a été une saison hardcore. Depuis le 15 octobre 2023, la pluie n’a quasiment pas cessé. On a dû avoir quinze jours de beau temps, en août. Même mes parents, retraités mais toujours actifs, n’avaient jamais vécu cela. Concrètement, il a fallu être au plus près des vignes en permanence. Impossible de prendre des week-ends ou des jours fériés.
Notre précédent témoignage
«On est en bio, donc on fait un traitement de contact, on applique du cuivre et du soufre directement sur les feuilles. Il faut le renouveler régulièrement car il ne pénètre pas dans la plante. Plus il pleut, plus il y a un risque de mildiou [une maladie causée par un champignon qui se développe avec l’humidité, ndlr]. Mais plus il pleut, plus il est difficile d’entrer dans les vignes. On s’embourbe. Alors on a protégé ce qu’on a pu, mais on ne peut pas dire qu’on était très contents de ce qu’on faisait. On n’a pas pu s’occuper des jeunes vignes comme on le fait d’habitude, par exemple. C’était l’urgence en permanence.
«Aujourd’hui, on est exténués, mais notre domaine ne s’en sort pas trop mal. La récolte est petite mais on pense qu’elle sera bonne. J’ai des collègues qui ont renoncé à vendanger certaines vignes… Le problème, c’est qu’on a dû investir plus de temps et d’argent pour une récolte plus faible, le tout dans un contexte de baisse de vente du champagne. 80 % de nos ventes sont en exports. On avait déjà arrêté de vendre en Russie, par choix. Je reviens d’un voyage aux Etats-Unis. C’est inquiétant. Là-bas, le vin est sérieusement concurrencé par le THC. Il y a tout un discours anti-alcool au profit de cette substance… Avec l’élection de Donald Trump, en plus, on craint de s’y voir fortement taxé.
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«Je n’ai pas pris part aux manifestations de l’an dernier, mais je me suis tenue informée. Plusieurs membres de ma famille y étaient. Je soutiens globalement les demandes des agriculteurs, mais l’accord sur le Mercosur ne me concerne pas directement. On reproche beaucoup aux agriculteurs de ne pas s’adapter assez vite au changement climatique. Mais on est en première ligne et on est peu soutenus. Je ne sais pas si j’aurai des subventions pour investir dans le matériel nécessaire pour faire face plus efficacement à de futurs épisodes pluvieux comme ceux qu’on vient de vivre. C’est classique dans un petit domaine. On n’a pas les astuces pour réussir à avoir les financements. On est déjà trop occupés par une quantité de paperasse pas du tout adaptée à notre taille !»