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Interview

Agriculture : «Le réchauffement climatique demande aux exploitants de s’adapter à des conditions très différentes d’une année sur l’autre»

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Si les vendanges sont aujourd’hui menacées par la pluie, d’autres récoltes ont déjà fait les frais d’une année 2024 à la fois chaude et particulièrement pluvieuse. Les explications du chercheur Iñaki Garcia de Cortazar Atauri.
Pour le chercheur Iñaki Garcia de Cortazar Atauri, «ces conditions météorologiques sont propices au développement de champignons pathogènes». (Olivier Chassignole/AFP)
publié le 27 septembre 2024 à 17h38

Et maintenant, de la pluie au moment des vendanges. L’année 2024 n’aura rien épargné aux agriculteurs. Alors que la profession manifestait il y a encore quelques mois pour une rémunération plus juste, les récoltes de cette année s’annoncent compliquées dans beaucoup de secteurs. Apiculteurs, maraîchers, céréaliers, éleveurs… Tous sont touchés par les aléas climatiques. Iñaki Garcia de Cortazar Atauri, ingénieur de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement et spécialiste de l’impact du changement climatique sur l’agriculture, apporte son éclairage à Libération sur les enjeux du moment.

Les viticulteurs voient d’un mauvais œil la pluie tombée en pleine période de vendange. Le risque est-il grand pour les récoltes ?

Les fortes pluies peuvent rendre le travail plus compliqué. Par ailleurs, cela augmente le risque de maladies. Mais cet épisode pluvieux s’inscrit surtout dans une année complète très pluvieuse. Depuis l’automne 2023, on a eu une forte pluviométrie, l’une des plus élevée depuis trente ans. Cela s’accompagne logiquement d’un faible ensoleillement, et donc les plantes reçoivent moins d’énergie du soleil pour pousser. Malgré cela, l’année 2024 reste plus chaude que la moyenne des trente dernières années. Les températures minimales de la nuit, notamment, ne diminuent pas beaucoup. Toutes ces conditions sont propices au développement de champignons pathogènes.

Selon les services statistiques du ministère de l’Agriculture, la récolte de blé est la pire depuis quarante ans, mais ce n’est pas le cas pour le colza ou le tournesol. Comment expliquez-vous ces différences ?

Il y a trois moments clés dans une récole. Le semi, la floraison et la récolte. Vous ne voulez pas semer dans un sol trop sec, mais il ne faut pas qu’il soit inondé non plus. Si la floraison se passe mal, vous risquez de ne pas avoir de production. Cette année, l’hiver a été très doux. Cela a affecté la floraison des abricotiers de la Drôme et la production a été très faible. Enfin, si un champ est inondé et inaccessible pendant plusieurs jours au moment de la récolte, celle-ci risque de pourrir sur pied. Cette année les conditions ont été particulièrement mauvaises aux moments clés du cycle de vie du blé. Sa production a donc été plus affectée que les autres grandes cultures.

Selon nos informations, les apiculteurs ont aussi connu une année difficile. Certains éleveurs n’ont jamais pu faire sécher le foin convenablement. Les conséquences d’une année humide sont multiples…

Oui, cela ne m’étonne pas. Les aléas climatiques ont des conséquences sur les cultures mais aussi sur les pratiques agricoles. J’attire néanmoins votre attention sur le fait que cette année très pluvieuse survient après deux années très sèches et chaudes. Le réchauffement climatique demande aux exploitants de s’adapter à des conditions très différentes d’une année sur l’autre. C’est très compliqué ! Nous avons montré que l’impact du climat sur la production des plantes varie selon leur cycle saisonnier, leur phénologie.

Comment pouvez-vous les aider ?

Parmi les différentes actions que nous réalisons depuis juillet, nous avons en ligne la nouvelle version du site AgroMetInfo. Il permet aux agriculteurs et aux conseillers agricoles, sur chaque territoire, de comparer ses conditions météorologiques en temps réel à la moyenne des trente dernières années. Cela permet d’objectiver le ressenti et de savoir si l’année en cours est comparable avec des années passées. Nous avons des retours positifs d’un panel d’utilisateurs très varié.