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Agriculture : une loi en faveur de «prix planchers» adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale

Les agriculteurs en colèredossier
Les députés ont voté jeudi 4 avril au soir une proposition de loi des écologistes visant à instaurer un prix minimal d’achat des produits agricoles, fixé au sein des filières ou par le gouvernement. Le texte doit toutefois encore être voté par le Sénat.
Des tracteurs devant le château de Versailles, le 1er mars 2024. (Henrique Campos/Hans Lucas via AFP)
publié le 5 avril 2024 à 7h25

Le retour d’une mesure voulue par Macron mais rejetée par la macronie. L’Assemblée a approuvé jeudi 4 avril dans la soirée en première lecture une proposition de loi écologiste en faveur de prix planchers pour les agriculteurs, en dépit de l’opposition de la majorité et du gouvernement.

Dans un hémicycle clairsemé, où de nombreux élus macronistes étaient absents, le texte de la députée écologiste de la Drôme Marie Pochon a été approuvé par 89 voix contre 66, la gauche votant pour et la majorité contre. Le RN s’est abstenu, affirmant par la voix de Grégoire de Fournas avoir «toujours été pour des prix planchers» mais regrettant l’absence dans le texte de «dispositifs pour encadrer les marges» au risque de nourrir «l’inflation alimentaire». LR a été quasi absent du débat, mais le député Pierre Cordier a marqué son désaccord avec le texte.

Pour «garantir un revenu digne aux agriculteurs», le texte écologiste prévoit un prix minimal d’achat fixé par «une conférence publique» dans les filières qui le souhaitent, ou sur décision du gouvernement en cas de désaccord. Le texte prévoit que les prix ainsi déterminés permettent de rémunérer les agriculteurs à hauteur de deux fois le Smic, le prix minimum pouvant être revu tous les quatre mois.

La proposition de loi, qui reprend une mesure proposée dans un texte de la France insoumise rejeté de peu dans l’hémicycle en novembre, fait aussi écho aux propos du président de la République Emmanuel Macron, qui avait fixé un objectif de «prix planchers» lors de sa visite houleuse du Salon de l’agriculture en février, sur fond de colère paysanne.

«Inopérant»

Au banc pour le gouvernement, la ministre déléguée auprès du ministre de l’Agriculture Agnès Pannier-Runacher a toutefois rejeté avec vigueur le dispositif proposé par l’écologiste Marie Pochon, le jugeant «inopérant» même si le gouvernement «partage pleinement [sa] préoccupation» quant au revenu des agriculteurs. «La piste conduisant à des prix administrés doit être écartée» car ce n’est pas le gouvernement qui «peut déterminer le prix pour un secteur économique», a estimé Agnès Pannier-Runacher.

De plus, «l’instauration d’un prix minimal qui par définition ne s’appliquerait qu’à la production nationale, pourrait favoriser les produits importés au détriment de nos agriculteurs», a-t-elle souligné.

Au cours de débats qui se sont étirés, la majorité a parfois donné l’impression de jouer la montre pour éviter d’aller jusqu’au vote de la loi. «Ils sont gênés sur un dispositif annoncé par le président de la République», a analysé Marie Pochon.

Le député MoDem Bruno Millienne a particulièrement échauffé les esprits, en accusant les écologistes de «vouloir [se] racheter une conscience, après avoir fait chier les agriculteurs pendant des décennies, mais ça ne marche pas». «Oui nous sommes écologistes, nous sommes fiers et nous sommes au côté des agriculteurs. La réalité c’est que vous n’assumez pas votre vote» - contre les prix planchers -, a réagi la présidente du groupe écologiste Cyrielle Chatelain.

Le texte doit désormais être présenté au Sénat, à majorité à droite.