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Libération
Reportage

Alimentation durable : en Charente, «le poulet qu’on vend, c’est une Ferrari face à celui de supermarché»

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Dans leur exploitation de Lagarde-sur-le-Né, père et fils Normandin jonglent des volailles aux vignes dont ils tirent de jolis cognacs.
Dans les mangeoires de l'exploitation des Normandin, la nourriture est disponible à volonté – un mélange broyé de blé, de maïs et de féverole produits sur place. (Jerome Chabanne/Hans Lucas)
publié le 22 février 2025 à 1h38

Le brouillard de février dissimule le paysage charentais. Après avoir parcouru une petite route entre Archiac et Barbezieux jusqu’à Lagarde-sur-le-Né, on aperçoit les volailles. Surtout, on les entend. Pintades à gauche, poulets au fond, canards dans les vignes… «Le froid, cela ne craint pas, mais la pluie les dérange», note Guillaume Normandin, 25 ans, un des associés de la Société civile d’exploitation agricole Normandin. Un clos électrifié dissuade les renards. Mais pas grand-chose à faire contre les rapaces, capables de s’engloutir un ou deux petits poulets par jour. «On tire en l’air parfois pour leur faire peur», relate Guillaume résigné.

Travaux dans les champs, prestations dans d’autres exploitations, vendanges, moisson… le travail est multiple dans cette société qui exploite quarante hectares. Côté volailles, 1 200 poulets par parc. Cinq parcs au total. Quatre à cinq mois d’élevage. «Notre exploitation est toute petite. Certains collègues font 75 000 poulets en un mois. J’en réalise 25 000 à l’année», fait remarquer l’éleveur. Dans les mangeoires, la nourriture est disponible à volonté – un mélange broyé de blé, de maïs et de féverole produits sur place.

Côté vignes, les agriculteurs cultivent un cépage ugni blanc, destiné à une eau-de-vie appellation Petite Champagne. Chaque jour, ils passent ainsi des volailles (le matin) au cognac (l’après-midi). Les Normandin gagnent autant sur les deux tableaux. La moitié de l’eau-de-vie est vendue au négoce (Rémy Martin et Hennessy) et le reste est stocké.

«Pédagogie à faire»

Père et fils se félicitent de leurs rapports avec la clientèle. «Il y a beaucoup de pédagogie à faire, assure William Normandin. Le poulet qu’on vend, c’est une Ferrari face à la volaille de supermarché. On élève nos poulets comme mes grands-parents le faisaient en leur temps, sans antibiotiques. Les gens ont tellement été abusés sur la nourriture qu’ils ont du mal à faire à nouveau confiance. Ils aiment savoir ce qu’ils achètent, que leur argent aide le monde agricole. Ils savent les difficultés des agriculteurs, leur faible rémunération»

Pour trouver de nouveaux débouchés, Guillaume Normandin a créé «C fermier» il y a cinq ans, un regroupement de 70 producteurs en vente directe, installé à la sortie de Cognac. «Le magasin a très bien démarré. Les gens veulent manger sain et local», se réjouit Guillaume. Légumes, fruit, miel, chocolats, vin de pays et fromage, épicerie sèche… 80 % des produits viennent de Charente ou de Charente-Maritime. Les maîtres mots : qualité et contact. «On maîtrise le prix et on contrôle le circuit. On est trois associés : un maraîcher, un producteur de fruits et moi», explique Guillaume Normandin. «Il faut prendre soin des clients aujourd’hui, sinon ils ne reviennent pas. Dans les grandes surfaces, vous êtes un numéro», confirme Damien Bonneau, boucher d’une quarantaine d’années. Une cliente approuve : «Ce qu’on trouve ici ne vient pas de l’autre côté de l’Atlantique ou de Pétaouchnock. Et ça nous fait plaisir de faire travailler les gens qui sont près de chez nous.»