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Interview

Alimentation: pour la Cour des comptes, «le bio a fait ses preuves pour la transition écologique»

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Dans un rapport publié ce jeudi, l’organe de contrôle des comptes publics de la rue Cambon pointe la faiblesse des moyens accordés à l’agriculture bio, malgré ses avantages environnementaux et économiques. Laure Verdeau, directrice de l’Agence bio, loue l’objectivité de ce travail.
Des œufs bio produits dans une ferme de volailles à Corcoué-sur-Logne (Loite-Atlantique), en avril. (Stephane Mahe/Reuters)
publié le 30 juin 2022 à 10h13

L’Agence bio est chargée par l’Etat de promouvoir et développer l’agriculture biologique en France. Groupement d’intérêt public créé en 2001, elle ne dispose pourtant que de «moyens limités et précaires» et «dépend de financements extérieurs pour mettre en œuvre ses missions», selon la Cour des comptes, qui vient de publier un rapport sévère sur le soutien à l’agriculture biologique en France. Sa directrice, Laure Verdeau, réagit à la publication de ce rapport très attendu, qui vient la soutenir dans ses missions.

Quels sont les principaux enseignements de ce rapport ?

C’est un rapport atypique, car d’habitude la Cour des comptes dit qu’il faut faire des économies. Là, elle dit qu’il faut donner les moyens au bio, donc on est ravis. En s’appuyant sur la littérature scientifique de renommée, le rapport décrit toutes les aménités positives du bio et les factualise. Que ce soit pour l’eau, puisqu’on économise sur la dépollution, ou pour préserver la biodiversité. Il y a 30 % d’espèces en plus sur une ferme bio, et elles sont 50 % plus abondantes. En matière de santé aussi, il y a un bénéfice collectif. Enfin, il officialise le fait que le bio est créateur d’emplois, et bon pour la résilience alimentaire puisque seul un tiers des produits bio consommés en France est importé.

Quels sont les intérêts du rapport pour une agence comme la vôtre ?

Ce rapport tombe au moment où certains vendeurs de pesticides de synthèse disent qu’il faut arrêter le bio. On est toujours assez étonnés quand on voit ça. Et là, le rapport vient dire que le bio a fait ses preuves pour la transition écologique. En tant qu’Agence bio, on vise l’objectivité. La Cour des comptes ne reprend pas les communications d’ONG, mais de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), des instituts techniques agricoles, de l’Inserm, bref, de chercheurs objectifs au service de l’intérêt général. Ce rapport nous permet à la fois d’avoir un manuel où sont indexées toutes les conclusions de ces chercheurs, et de dépassionner le débat. C’est une source en or. Il n’est pas écrit par des gens du bio mais par la Cour des comptes, une référence d’objectivité de la République, qui ne peut pas être taxée de militantisme. Par exemple sur la création d’emplois, supérieure en bio par rapport au conventionnel, c’est quelque chose qu’on s’époumone à dire depuis des années. On espère que quand c’est la Cour des comptes qui parle, ça va intéresser le grand public.

Quel est le rôle de l’Agence bio dans ce contexte ?

Notre valeur ajoutée, c’est de faire la promotion de ce mode de production. On veut se repositionner au service des filières, comme une agence d’intérêt général. On a deux messages. Le premier, c’est que manger bio est bon pour le collectif, pour l’eau et la biodiversité, surtout au moment où la biodiversité s’effondre. Le second, c’est un message pour le consommateur. Quand vous expliquez à un citoyen ce qu’est vraiment le bio, mécaniquement il va en mettre plus dans son assiette. Il va changer son alimentation. Il va manger plus de légumineuses, plus de légumes de saison, mieux choisir sa viande et moins gaspiller.

Avant, il ne fallait pas communiquer sur le fait qu’il fallait manger bio, parce qu’on n’avait pas assez de produits. Donc on a relocalisé et contribué à monter des filières, comme pour la fleur d’oranger ou le lait de chèvre. Il fallait stimuler la production. Aujourd’hui, il faut expliquer au consommateur pourquoi il faut en manger.

Il y a une baisse de la consommation de produits bio cette année. Peut-on dire que la filière est en crise ?

Le bio est dans une situation contrastée. La situation est différente entre la grande distribution et la distribution spécialisée. Il y a peut-être une période de surchauffe, mais on voit que ce qui est porteur, c’est le bio qui est aussi local. Cela marche très bien en vente directe. La loi Egalim [qui prévoit de passer à 20 % de bio dans les cantines, ndlr] fait aussi monter le bio.

Si des agriculteurs veulent passer en bio, il faut leur trouver des relais de croissance. Il faut que les turbulences retombent pour la consommation à domicile, et que les chefs et restaurateurs se saisissent du bio. On voit dans le rapport de la Cour des comptes que cela fait du bien à tout le monde quand les agriculteurs se convertissent. Les agences de l’eau préfèrent quand les agriculteurs autour des points de captage sont en bio. Donc c’est à nous de nous organiser pour leur dérouler le tapis rouge quand ils arrivent sur le marché. Ce rapport va nous permettre de remettre le bio au cœur de la transition alimentaire des Français.