«Toute ma vie, je porterai ce poids : le sentiment d’avoir tué ma fille à cause de ma profession. Alors que les lobbys des pesticides continuent à s’enrichir en empoisonnant des enfants.» Laure Marivain, ancienne fleuriste dans les Pays de la Loire, témoigne ce mercredi 9 octobre de la mort de sa fille Emmy. Une enquête du Monde et de la cellule investigation de Radio France retrace les causes de la mort de l’enfant, le premier dont le décès est reconnu par le Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides (FIVP). Le FIVP admet auprès du Monde «le lien de causalité entre la pathologie [d’Emmy] et son exposition aux pesticides durant la période prénatale». Une première pour une victime décédée. Une première, aussi, pour un professionnel de la fleur.
Lorsqu’elle tombe enceinte d’Emmy, fin 2009, Laure Marivain est représentante en fleurs, après avoir travaillé de 2004 à 2008 dans une boutique. Elle travaille sans protection ni mise en garde contre la toxicité des fleurs, ne prête pas attention aux microcoupures aux mains et débuts d’eczéma. «Les fleuristes ne voient pas le danger, seulement la beauté des fleurs», juge-t-elle auprès du Monde.
«Toute violette»
«Quand Emmy est née, elle ne pleurait pas. Elle était toute violette. L’anesthésiste nous a dit qu’il y avait un problème avec le placenta, qu’il était carbonisé, tout noir, explique Laure Marivain à Radio France. Et puis ses bilans n’étaient pas bons. Une sage-femme m’a même demandé si je m’étais droguée pendant ma grossesse.» A 7 ans, on diagnostique à Emmy une leucémie aiguë lymphoblastique. Cinq ans plus tard, après une rémission complète, trois rechutes, et plus d’un an et demi en cumul au service d’oncologie pédiatrique du CHU de Nantes, la petite fille meurt juste avant ses 12 ans en mars 2022.
A lire aussi
Au cours de ces années d’hospitalisation, Laure Marivain se rapproche de l’association Phytovictimes, qui vient en aide aux personnes atteintes de maladies liées aux pesticides, et saisi le FIVP, créé en 2020 par la loi de financement de la sécurité sociale. Le FIVP propose une indemnisation seulement pour les préjudices subis par «les ayants droit», à hauteur de 25 000 euros pour chacun des parents de l’enfant. Ces derniers contestent cette indemnisation devant la cour d’appel de Rennes, ce mercredi. «C’est comme si Emmy et sa famille n’avaient pas souffert pendant toutes ces années», commente l’avocat de la famille, François Lafforgue.