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Avant le Salon de l’agriculture, la loi agricole définitivement adoptée au Parlement

Salon de l'Agriculture 2025dossier
Les parlementaires se sont entendus sur la loi d’orientation agricole, texte critiqué par la gauche et les associations environnementales, à quelques jours du Salon de l’agriculture qui débute ce samedi.
La ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, au Sénat le 12 février. (Daniel Perron/Hans Lucas.AFP)
publié le 19 février 2025 à 13h13
(mis à jour le 20 février 2025 à 17h30)

L’opposition de gauche et écologiste craignait un examen «à marche forcée». La loi d’orientation agricole a été définitivement adoptée au Parlement ce jeudi 20 janvier, à deux jours du Salon de l’agriculture. Après un vote à l’Assemblée mercredi, le texte a été définitivement validé au Sénat à 236 voix contre 103. Plus tôt dans la semaine, les parlementaires réunis en commission mixte paritaire (CMP) s’étaient accordés sur le texte. Un timing permettant à la ministre Annie Genevard de ne pas se présenter les mains vides à l’ouverture du Salon de l’agriculture samedi.

Le texte «pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations», plusieurs fois remanié et repoussé, donne la part belle à la simplification pour répondre aux revendications des agriculteurs portées par le syndicat majoritaire lors du mouvement de colère d’il y a un an. Au cœur de ce projet de loi, qui érige l’agriculture en intérêt général majeur pour faciliter de nombreux projets agricoles, la souveraineté alimentaire a finalement pris le pas sur le renouvellement des générations. Un sujet pourtant au cœur des préoccupations du secteur alors que le mur démographique se rapproche : un agriculteur sur deux sera en âge de partir à la retraite d’ici cinq ans. Durcie lors de son passage au Sénat, notamment par son rapporteur LR Laurent Duplomb, qui a également porté il y a quelques semaines une proposition de loi controversée visant à «lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur», la loi inscrit notamment un principe de «non-régression de la souveraineté alimentaire» sur le même modèle que la non-régression du droit de l’environnement, qui prévoit que la protection de l’environnement ne peut faire l’objet que d’une amélioration.

«Pire régression du droit de l’environnement»

Selon l’AFP, si le texte a réintégré la notion de «transition climatique et environnementale» dans les grands enjeux des politiques agricoles, les mentions à l’agroécologie ont bien été supprimées. En vrac, le texte comprend également des mesures sur la transmission des exploitations, la formation des futurs agriculteurs ou encore des mesures de simplification sur les bâtiments d’élevage et les ouvrages de stockage d’eau ou la gestion des haies.

Seules concessions faites aux députés en CMP : le retour de l’inscription dans la loi de l’objectif de 21 % de surfaces en bio d’ici 2030, ainsi qu’une restriction de la dépénalisation des délits «non intentionnels» aux espèces et habitats protégés et non plus à toutes les atteintes environnementales comme initialement réclamé par la droite sénatoriale. Avant ce passage en commission, plusieurs organisations environnementales avaient sonné l’alerte mardi en conférence de presse, dénonçant «la pire régression du droit de l’environnement depuis au moins une décennie». Malgré le compromis, la dépénalisation pour les atteintes aux espèces protégées inquiète. Celle-ci, a expliqué Laure Piolle de France Nature Environnement, «ne s’applique pas qu’aux agriculteurs mais dépénalise toutes les atteintes aux espèces protégées : un chasseur qui abat un animal, un forestier ou un industriel qui pollue une rivière et détruit un écosystème ne serait plus poursuivi même s’ils n’ont pris aucune précaution [pour protéger ces espèces]». Jusque-là passibles de trois ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende, ces atteintes seront désormais sanctionnées d’une simple amende de 450 euros ou d’un stage de sensibilisation.

«Loin de faire l’unanimité»

«Ce texte s’est éloigné progressivement de ses objectifs initiaux, à savoir installer massivement des paysans et accélérer la transition agroécologique, a déploré la Fondation pour la nature et l’homme mercredi matin. La promotion de pratiques intensives est un laissez-passer à l’agrandissement et à la concentration des exploitations.» Dans un communiqué, la Confédération paysanne a critiqué «l’empressement à faire adopter cette loi avant l’ouverture du Salon de l’agriculture au prétexte de “calmer la colère du monde agricole”». Un «leurre» selon le syndicat, pour qui «ce texte est très loin de faire l’unanimité et les mesures qu’il propose ne répondent en rien aux difficultés de la majorité des paysans et paysannes».

Les sénateurs socialistes ont dénoncé une loi «bavarde» qui ne comporte «rien en faveur d’un meilleur revenu des agriculteurs, rien pour réguler le foncier agricole, rien pour réformer notre politique d’aides». Pour la députée LFI Manon Meunier, qui fustige «des conditions déplorables d’examen», «LR a clairement mené ce texte en faveur des intérêts des grands de l’agrobusiness, les macronistes ont laissé faire et le RN a suivi». Avant le vote, le rapporteur LR Laurent Duplomb s’était au contraire félicité d’une loi qui va «permettre d’ouvrir un nouveau regard, une nouvelle perspective, un nouveau cap pour l’agriculture française».

Mise à jour jeudi 20 janvier avec l’adoption définitive du texte.