Même si ce n’est pas pour son impact environnemental que le permis d’aménager a été suspendu, les militants écologistes peuvent se réjouir. Le tribunal administratif de Poitiers a suspendu en référé lundi 30 octobre l’autorisation délivrée par la maire de la commune de Val-du-Mignon pour la construction de la «bassine» de Priaires, dans les Deux-Sèvres. La justice suspecte un conflit d’intérêts car l’élue est l’une des bénéficiaires de ce projet de réserve d’irrigation.
Décryptage
«L’exécution de l’arrêté […] est suspendue, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de cette décision», précise dans son ordonnance le tribunal, saisi par l’Association de protection, d’information et d’études de l’eau et de son environnement (APIEEE). Le juge des référés estime que la maire «sera directement bénéficiaire, en sa qualité de dirigeante du Groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) de l’Eole, d’une part importante des réserves d’eau devant être stockées dans la retenue en litige située à proximité de son exploitation». Le conseil municipal aurait donc dû désigner un autre élu que la maire pour prendre cette décision, comme le prévoit l’article L. 422-7 du code de l’urbanisme, selon le tribunal.
Le projet n’est «pas remis en cause»
«On est assez satisfaits d’avoir attaqué sur un autre angle, l’angle du conflit d’intérêts», s’est félicitée Joëlle Lallemand, présidente de l’APIEEE. «Dans les petites mairies de campagne, il y a toujours des gens directement intéressés aux mégabassines, aux méthaniseurs, aux éoliennes… C’est bien qu’il y ait un cas comme celui-là qui montre que tout n’est pas possible.»
En conséquence, la Coop de l’eau 79, groupement d’agriculteurs qui porte le projet de ces réserves très contestées, a confirmé suspendre «temporairement» les travaux. Mais, évoquant un simple «problème de forme», la coopérative assure que le projet de réserve à Priaires n’est «pas remis en cause». «Nous reprendrons le cours du chantier lorsque le processus de délégation aura été régularisé», fait-elle valoir dans un communiqué.
Un constat que met en doute l’Association de protection, d’information et d’études de l’eau et de son environnement, pointant une étude d’impact désormais «plus valable». Ses membres assurent que les porteurs du projet prendraient un «risque» en déposant une nouvelle demande d’autorisation sans fournir de nouvelle étude d’impact.
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Priaires est la plus petite des 16 bassines programmées dans les Deux-Sèvres. Une première fonctionne à Mauzé-sur-le-Mignon et une autre est en construction à Sainte-Soline, où plusieurs manifestations ont donné lieu à des affrontements avec les forces de l’ordre. Les militants antibassines avaient dénoncé «une provocation de l’État» après l’ouverture du chantier de Priaires fin août.
Après des «dégradations» condamnées par la préfecture des Deux-Sèvres autour de ce chantier début septembre, un rassemblement d’opposants fin octobre à Priaires a donné lieu à de nouvelles tensions. Le syndicat agricole FNSEA 79 a condamné un «harcèlement moral et physique» qui aurait visé une famille d’agriculteurs sur le parcours de la manifestation, ce que le collectif Bassines Non Merci a démenti, dénonçant des «calomnies».
Les bassines, dans le viseur des écologistes pour leur démesure, sont désormais sous le feu de la justice. Début octobre, déjà, le tribunal administratif de Poitiers avait annulé deux projets de 15 retenues d’eau en Poitou-Charentes, en pointant leur inadaptation face au changement climatique. Réserves creusées dans la terre, ces «bassines» visent à stocker de l’eau puisée dans les nappes en hiver, afin d’irriguer les cultures en été. Leurs partisans en font une assurance pour les récoltes, indispensable à la survie des agriculteurs face aux sécheresses à répétition. Les opposants, eux, dénoncent un «accaparement» de l’eau par «l’agro-industrie».