Une première action, pour «faire monter la pression». Après avoir appelé à stopper les livraisons d’œufs pendant deux jours en Bretagne, les producteurs d’œufs menacent de frapper encore plus fort. «Cela fait des mois qu’on tire la sonnette d’alarme. Si on n’est pas rémunérés à notre juste valeur, il risque d’y avoir des arrêts d’élevage», alerte Frédéric Chartier, éleveur de poules pondeuses dans les Côtes-d’Armor et membre de la Fédération régionale des syndicats d’exploitants agricoles (FRSEA), le syndicat majoritaire qui a appelé à la grève en Bretagne au côté de son émanation des Jeunes Agriculteurs (JA). Pendant deux jours, jeudi et vendredi, les 850 producteurs d’œufs de Bretagne, qui représentent plus de 40 % de la production destinée à la consommation en France, étaient incités à stopper leurs livraisons auprès des centres de conditionnement et industriels.
«Des faillites et des cessations d’activité qui vont s’accélérer»
Depuis la crise sanitaire et la guerre en Ukraine, leurs coûts de production ont flambé, au point que les producteurs réclament une hausse de 10 % de ce qui leur est payé. L’augmentation des «poussins, de la main-d’œuvre, des matériaux et bâtiments, des taux bancaires, des assurances et surtout l’énergie (gaz et électricité)» depuis deux ans rendent «indispensable […] le besoin de répercussion des coûts de production», ont détaillé la FRSEA et les JA dans un communiqué. Ils reprochent aux industriels et aux enseignes de distribution de ne pas soutenir leurs éleveurs locaux, alors que «tous les voyants sont au rouge pour le maintien de la filière Œufs de France […]. La situation actuelle met en péril les éleveurs de poules pondeuses français, avec des faillites et des cessations d’activité qui vont s’accélérer.» Invoquant la souveraineté alimentaire, les producteurs ont prévenu : «L’arrêt des livraisons donnera aux autres acteurs de la filière et aux consommateurs un avant-goût des conséquences qu’auraient les cessations d’activité si les nécessaires revalorisations ne se font pas.»
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Une hausse de 10 % représenterait, selon Frédéric Chartier, un coût supplémentaire d’un peu plus d’1 centime par œuf. «Cela correspond à 2 euros, par an, par Français», détaille l’éleveur, qui regrette que les prix aient augmenté en magasin pour les consommateurs mais pas pour les producteurs. Selon l’Insee, le prix des œufs en rayons a augmenté de près de 17 % en décembre 2022 par rapport à décembre 2021. «On demande où est la marge. Il faut expliquer au grand public que le producteur n’est pas [suffisamment] payé», insiste le producteur armoricain. «Tout le monde autour de nous a augmenté ses prix de 10 à 20 % et nous, on devrait se taire ?» s’interrogeait en fin de semaine auprès de France Bleu Patrick Hamon, responsable de la section œufs à la FDSEA des Côtes-d’Armor.
Colère généralisée
Difficile à ce jour d’estimer l’impact de cette grève de deux jours, Frédéric Chartier reconnaissant avoir des appels d’éleveurs mais pas «le chiffre réel de participants». Toutefois, il promet une montée en puissance dans les quinze jours qui viennent, alors que les négociations commerciales, censées fixer le prix payé au producteur par les distributeurs pour l’année 2023, s’achèvent le 1er mars. «Ça ne fait que commencer, on va durcir le ton, prévient Frédéric Chartier. On a déjà identifié les magasins qui ne font pas passer les hausses.» Alors que les Bretons faisaient la grève de l’œuf en fin de semaine, dans le reste de la France, notamment en Somme et en Normandie, certains agriculteurs se sont rendus en magasins pour informer les consommateurs.
Une mobilisation qui intervient dans un contexte de colère généralisée chez les agriculteurs. A trois semaines du Salon de l’agriculture, qui s’ouvrira le 25 février, la FNSEA appelle à «se mobiliser à partir du 8 février à Paris et jusqu’au 20 février dans toute la France». En cause, selon le syndicat productiviste qui critique ouvertement les «contraintes réglementaires», un décalage entre le «discours» du gouvernement sur la souveraineté alimentaire et ses «actes».