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Colère des agriculteurs : Marc Fesneau réclamé sur l’A9, blocages envisagés autour de Paris et à Rungis, barrages levés sur l’A64 et l’A54… Le point sur la mobilisation du week-end

Les agriculteurs en colèredossier
Si au lendemain des annonces de Gabriel Attal certains agriculteurs ont accepté de lever leurs barrages, les grands syndicats ont décidé de poursuivre la mobilisation. Le blocage de Paris est prévu dès lundi.
Blocage d'agriculteurs sur l'A64 près de Toulouse, jeudi 26 janvier. (Nacho Doce/Reuters)
publié le 27 janvier 2024 à 10h25
(mis à jour le 28 janvier 2024 à 13h02)

Des barrages levés d’un côté, une promesse de poursuivre la mobilisation de l’autre. Quelle que soit l’option privilégiée ce week-end des 27 et 28 janvier, les syndicats agricoles jugeaient unanimement insuffisant le chapelet d’aides et de mesures de simplification annoncées par Gabriel Attal pour mettre fin à la colère des agriculteurs.

Des agriculteurs de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs (JA) du grand bassin parisien entameront ce lundi un «siège de la capitale», ont averti ce samedi 27 janvier au soir les deux syndicats, qui représentent la majorité de la profession au niveau national. «Dès lundi 29 janvier à 14 heures, les agriculteurs des départements : l’Aisne, l’Aube, l’Eure, l’Eure-et-Loir, l’lle-de-France, la Marne, le Nord, l’Oise, le Pas-de-Calais, la Seine-et-Marne, la Seine-Maritime et la Somme, membres du réseau FNSEA et Jeunes Agriculteurs du Grand Bassin parisien entament un siège de la capitale pour une durée indéterminée», écrivent-ils dans un communiqué. Et d’ajouter : «Tous les axes lourds menant à la capitale seront occupés par les agriculteurs.» Une menace à laquelle Marc Fesneau a réagi ce dimanche 28 janvier au micro de BFM TV. Le ministre de l’Agriculture, a affirmé que «c’est un acte qui, à la fin, vient pénaliser principalement les Parisiens». Et d’ajouter : «Bloquer l’ensemble de l’Ile-de-France, je suis pas sûr que ça va rendre service aux intérêts des agriculteurs.»

Des exploitants du Lot-et-Garonne, l’un des points chauds de la mobilisation en France ces derniers jours, vont «monter à Paris» à partir de lundi pour aller bloquer le marché d’intérêt national de Rungis (Val-de-Marne), a annoncé ce samedi la Coordination rurale du département. «Nous avons décidé dès lundi matin de partir direction Paris en tracteurs pour rejoindre le mouvement. On a décidé de monter à Paris bloquer Rungis», a déclaré José Pérez, co-président de la CR 47. «On part lundi à 9 heures d’Agen, on prend l’autoroute à Cahors, on monte à Paris en passant par Limoges et on récupère tous les gens qui veulent se joindre à nous», a-t-il dit.

Plus tôt dans la journée, les Jeunes agriculteurs (JA) après avoir fait savoir qu’ils levaient leurs barrages pour les remettre en place «en début de semaine prochaine» ont aussi fait part de leur souhaite de rejoindre Paris. Au micro de BFMTV, Maxime Buizard, des JA du Loiret a annoncé «le blocus de Paris et de la petite couronne parisienne». «L’idée est qu’il n’y ait aucun camion qui puisse desservir la capitale, faire en sorte qu’aucun produit ne rentre dans Paris, pour faire comprendre aux Parisiens qu’ils ont besoin des agriculteurs pour vivre», poursuit Maxime Buizard. Tout cela pour «au moins cinq jours», précise-t-il, conseillant aux Parisiens de «faire du télétravail». Des propos temporisés en milieu de journée par le secrétaire général du syndicat, Pierrick Horel. Si une action des Jeunes Agriculteurs ciblant Paris la semaine prochaine est bel et bien envisagée, elle n’est «pas tranchée» pour autant, les JA devant encore prendre le temps de «recalibrer la mobilisation». «On va prendre le week-end pour reposer les esprits et les corps», a-t-il ajouté.

Dans les Bouches-du-Rhône, les agriculteurs doivent lever le dernier barrage dans la soirée, a indiqué le préfet du département en annonçant une série de discussions locales sur des sujets comme la gestion de l’eau ou les besoins du secteur en main d’oeuvre étrangère. Une partie de l’autoroute A54, qui relie Nîmes à Salon-de-Provence, en passant par d’importantes zones logistiques, est fermée depuis plusieurs jours en raison de rassemblements d’agriculteurs au niveau de Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône). «Ils vont lever le barrage ce soir sur Salon», a affirmé le préfet Christophe Mirmand après être allé discuter sur place avec les agriculteurs. La réouverture de la route ne pourra toutefois se faire qu’une fois que le nettoyage de la chaussée aura été effectué. «Ils ont une forte attente au-delà des mesures qui ont déjà été annoncées par le Premier ministre, de voir un certain nombre de sujets locaux être traités et donc c’est la raison pour laquelle j’ai proposé que nous puissions entamer une série de discussions et d’échange dès la semaine prochaine», a-t-il ajouté. Notamment à propos de la gestion de l’eau, de l’introduction des salariés étrangers dans les métiers en tension ou des questions liées aux permis de construire.

Côté A9, l’autoroute qui a été fermée vendredi matin en raison d’actions des agriculteurs sur le tracé a rouvert «dans sa quasi-totalité à 17 h 30» ce samedi, c’est-à-dire sur une large portion reliant Montpellier et la frontière espagnole, selon Vinci Autoroutes. Néanmoins, des agriculteurs du Gard bloquent depuis jeudi matin l’A9 au niveau de Nîmes. Ils ont exigé ce dimanche 28 janvier «la venue du ministre de l’Agriculture avec des annonces concrètes», faute de quoi ils ne lèveront pas leur barrage. Les mesures «supplémentaires» annoncées ce dimanche matin par Gabriel Attal n’apportent «aucune avancée significative», a réagi le président de la FDSEA du Gard, David Sève. «Pour l’instant, on n’a rien obtenu sur l’agriculture méditerranéenne, les fruits et légumes, la viticulture…» a observé le syndicaliste. Et d’assener : «On demande la venue du ministre de l’Agriculture [Marc Fesneau] mardi ou mercredi ici avec des réponses concrètes. Sans ça, on ne lèvera pas le barrage sur cette autoroute qui symbolise l’entrée en masse des fruits, légumes et vins qui arrivent d’Espagne et nous tuent.»

«Réfléchir aux actions qui vont suivre»

Les grands syndicats, de la FNSEA à la Coordination rurale en passant par Confédération paysanne ont annoncé vouloir poursuivre la mobilisation. «Ce qui a été dit ce soir ne calme pas la colère, il faut aller plus loin», a affirmé vendredi le président de la FNSEA Arnaud Rousseau sur TF1, jugeant les mesures «trop justes». Sur les points de blocage mis en place par les tracteurs sur les autoroutes et grands axes, «il va y avoir des roulements […], certains vont arrêter pour se reposer, d’autres vont poursuivre», a-t-il prédit, tout en proposant «d’aller à [la] rencontre» du Premier ministre «dès samedi matin».

Sur le terrain, le barrage sur l’autoroute A10 au péage de Saint-Arnoult, à l’ouest de Paris, devait ainsi être levé, mais celui situé au sud de Bourges était maintenu. «Nous sommes prêts pour la nuit et attendons lundi les applications concrètes dans le Cher», a expliqué un porte-parole des Jeunes agriculteurs du département. Idem, la Confédération paysanne a dit pour sa part vouloir «continuer la mobilisation» pour obtenir «des mesures structurelles». Ses membres ont annoncé une action «surprise» samedi dans la matinée à Figeac (Lot).

En réponse aux blocages, certains véhicules de transports routiers sont exceptionnellement autorisés à rouler ce week-end, est-il indiqué dans un arrêté publié samedi au Journal officiel. Les interdictions de circulation normalement prévues pour les véhicules de transport de marchandises de plus de 7,5 tonnes durant le week-end «sont levées du samedi 27 janvier 2024 à 10 heures au lundi 29 janvier 2024 à 10 heures», après «les difficultés de circulation induites par les manifestations des agriculteurs», décrit l’arrêté.

«C’est pas mon RIB»

Au côté du Premier ministre, le médiatique éleveur occitan Jérôme Bayle, initiateur du premier blocage sur l’A64, a annoncé dès vendredi soir sur le barrage de Carbonne (Haute-Garonne) que celui-ci serait débloqué le lendemain. Samedi midi, le barrage était «quasi nettoyé, quasi-fini et dégagé». «Ce sera fait aux alentours de midi et demi», a déclaré Joël Tournier, l’un des porte-parole du mouvement. «On attend que les services de l’Etat lavent la route avec aussi une entreprise privée qu’on a fait venir pour nettoyer la route», a poursuivi l’éleveur-céréalier.

Cette décision de lever le barrage a valu à Jérôme Bayle de vives critiques de la part de différents militants certains allant jusqu’à le qualifier de «traître». D’autant qu’une vidéo le montrant donner un papier au ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a rapidement tourné sur les réseaux sociaux. Ce qui, aux yeux de certains, prouverait qu’il a été «acheté» par le gouvernement. «Contrairement à ce que pensent les gens, c’est pas mon RIB […] Avant d’attaquer mon poste, j’ai refusé un poste contre mon silence», s’est-il défendu au micro de BFM TV.

Mise à jour : ajout à 12 h 50 du déblocage du barrage sur l’A64 et de l’autorisation exceptionnelle pour certains véhicules de transports routiers à rouler ce week-end ; ajout à 13 h 20 de la réaction du secrétaire général des JA ; ajout à 15 h 52 de l’annonce de Coordination rurale du Lot-et-Garonne de mobilisations à Paris lundi ; ajout à 18 h 33 de l’annonce de la levée du dernier barrage dans les Bouches-du-Rhône : ajout à 19 h 30 de la réouverture quasi-totale de l’A9 ; ajout à 20 h 35 de l’annonce d’un «siège de la capitale» à venir ; ajout dimanche 28 janvier à 12 heures de la demande d’agriculteurs qui bloquent l’A9 de venir sur leur barrage ; à 13 heures la réaction de Marc Fesneau au potentiel «siège» de la capitale annoncé pour lundi.