Leurs voix seront-elles entendues ? En plein mouvement de colère, les agriculteurs intensifient leurs actions ce mardi 26 novembre contre «tout ce qui entrave [leur] vie», après une semaine de mobilisation contre le traité de libre-échange avec le Mercosur, débattu cet après-midi à l’Assemblée nationale. Mardi matin, une cinquantaine de tracteurs des agriculteurs de la Coordination rurale (CR), le deuxième syndicat agricole, étaient dans les rues de Strasbourg, certains d’entre eux étant partis la veille de Vesoul (Haute-Saône) en cortège.
Objectif à atteindre : le Parlement européen, pour des échanges avec les eurodéputés et l’occasion de réaffirmer l’opposition du syndicat à tout accord de libre-échange, en premier lieu celui négocié entre l’UE et des pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay). «Nous défendons une exception agriculturelle. Il faut sortir l’agriculture des traités de libre-échange. On ne peut plus continuer à échanger un steak contre une voiture», a déclaré Sophie Lenaerts, vice-présidente de la CR avant cette nouvelle mobilisation.
«Europe passoire»
De son côté, l’alliance majoritaire FNSEA-Jeunes agriculteurs prévoit de lancer partout en France de nouvelles actions jusqu’à jeudi, visant «tout ce qui entrave la vie des agriculteurs», notamment les administrations (préfectures, agences de l’eau, etc.), a précisé mardi matin sur France 2 le président de la FNSEA Arnaud Rousseau.
Cette mobilisation pour la «simplification» intervient après une première semaine dédiée à la dénonciation d’une «Europe passoire», permettant des importations de produits ne respectant pas les normes imposées aux agriculteurs européens, et avant un troisième temps qui sera consacré à «la défense du revenu», a-t-il expliqué.
Interview
Depuis lundi, quelque 850 agriculteurs ont mené une vingtaine d’actions dans quinze départements, selon le dernier bilan des autorités, qui évoque notamment des blocages de plateformes logistiques ou d’actions dans des supermarchés, de Rumilly (Haute-Savoie) à Etampes (Essonne). Moins d’un an après une mobilisation historique, les agriculteurs estiment n’avoir pas obtenu suffisamment d’avancées concrètes.
Si les deux premiers syndicats partagent certaines revendications – comme de pouvoir utiliser des pesticides aujourd’hui autorisés en Europe et interdits en France du fait de leur toxicité -, ils occupent le terrain en ordre dispersé, dans un climat tendu à quelques semaines de leurs élections professionnelles. La Coordination rurale, qui espère briser l’hégémonie de la FNSEA dans les chambres d’agriculture lors des prochaines élections, prévues en janvier, a multiplié les coups d’éclat, comme le blocage du port de Bordeaux, le saccage d’un bureau de l’Office français de la biodiversité dans la Creuse ou en perturbant un déplacement d’Arnaud Rousseau à Agen (Lot-et-Garonne).
Loin du duel opposant les deux premiers syndicats, la Confédération paysanne, 3e syndicat représentatif, continue ses mobilisations contre le Mercosur, avec une action prévue en Dordogne dans la journée.
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La ministre de l’Agriculture Annie Genevard a assuré lundi que la France progressait dans la construction d’une minorité de blocage à cet accord commercial de libre-échange. Ce traité permettrait l’entrée en Europe de viande, sucre ou maïs importés sans droits de douane, risquant «de provoquer des déséquilibres profonds pour nos producteurs», qui seraient confrontés à une «concurrence déloyale», ont estimé les ministres de l’Agriculture et du Commerce extérieur dans une tribune commune au Figaro.
Débat puis vote
Dans l’après-midi, les deux ministres porteront la parole du gouvernement à l’Assemblée nationale où doivent se tenir un débat puis un vote sur ce traité – avant un débat similaire au Sénat. Le gouvernement espère un vote unanime qui donnerait du poids à la position française face à la Commission européenne, seule habilitée à négocier pour les 27 ce traité de libre-échange. Mais rien n’est gagné.
Si le député Dominique Potier (PS) espère une certaine unité contre l’accord, il précise que le vote du groupe socialiste dépendra de la déclaration du gouvernement, tandis que La France insoumise a prévenu que seule une proposition du gouvernement qui «mettrait fin aux négociations» obtiendrait un vote favorable de LFI.
Du côté du Rassemblement national, la députée Hélène Laporte s’est étonnée d’un nouveau vote, rappelant que l’Assemblée s’était déjà prononcée contre en juin 2023, mais a confirmé que le RN était «contre cet accord».