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Mobilisation

Colère des agriculteurs : un camion-citerne de Lactalis intercepté et vidé en Haute-Saône, l’A62 coupée entre Agen et Montauban

A la veille de la conférence de presse de Gabriel Attal, ce mercredi 21 février, et à quelques jours de l’ouverture du Salon de l’agriculture à Paris, des producteurs de lait mené une action coup de poing contre Lactalis mardi soir en Haute-Saône. Dans le Sud-Ouest, des agriculteurs bloquent aussi une partie de l’autoroute reliant Bordeaux à Toulouse.
Lors d'un blocage d'un site Lactalis à Bouvron, en Loire-Atlantique, le 18 janvier. (Loic Venance/AFP)
publié le 21 février 2024 à 9h35

Action surprise d’agriculteurs de Haute-Saône. Mardi 20 février, vers 22 h 45, une trentaine d’agriculteurs ont intercepté un camion-citerne de Lactalis d’une capacité de plus de 20 000 litres et qui finissait sa tournée auprès des fermes non loin de Vesoul. En pleine campagne, ces éleveurs en ont extrait le lait pour le redistribuer aux éleveurs des environs, «pour nourrir les veaux». Alors que Gabriel Attal doit annoncer, ce mercredi matin, de nouvelles mesures pour soutenir les exploitants agricoles, les producteurs laitiers ont dénoncé le «faible prix d’achat» du lait par Lactalis.

«C’est le plus gros acteur de la filière, mais c’est le moins bon élève, c’est lui qui paie le moins bien», explique Xavier Jarrot, éleveur laitier à Velesmes (Haute-Saône) et administrateur à la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL). Après avoir vidé le contenu de la citerne, destiné à la marque Lanquetot selon France Bleu Besançon, les éleveurs laitiers ont tagué le véhicule. A la bombe rouge, ils ont inscrit «Voleur» ou «Lait non payé = lait repris» sur la citerne.

«Lactalis avait annoncé un prix de 405 euros les 1 000 litres pour les deux premiers mois de l’année. Après les actions qu’on a menées depuis un mois, ils ont rajouté 15 euros pour janvier et février, mais c’est encore loin des 440 euros, ce que paient les autres laiteries aujourd’hui dans le département», a déploré Xavier Jarrot. «L’objectif est de faire revenir Lactalis à la table des négociations pour qu’ils discutent du prix du lait avec les producteurs».

La FDSEA menace d’autres «sanctions de ce type»

«Lactalis trouve toujours des arguments pour ne pas payer le lait au prix, alors qu’en tant que plus gros collecteur de lait en France et au niveau mondial, il devrait montrer le bon exemple», a regretté Michaël Muhlematter, président de la FDPL du département. «Avec ses marques comme Président, Lactel, Roquefort Société, Galbani, Lactalis se comporte comme un seigneur, en donnant ce qu’il veut aux producteurs, sans aucune négociation possible», a-t-il ajouté. «La discussion est beaucoup plus saine avec les petits groupes coopératifs.»

Auprès de la Presse de Vesoul, le directeur de la FDSEA, Jérôme Tyrode, entend multiplier les «sanctions de ce type tant que l’Etat ne sanctionnera pas le numéro 1». Dans un communiqué de presse, FDSEA et Jeunes Agriculteurs du 70 accusent le premier groupe laitier mondial de «bafouer la loi Egalim» et demandent que les «enquêtes de la répression des fraudes sur les pratiques de Lactalis et des distributeurs soient rendues publiques» avec «des sanctions».

Au début du mois, le siège du groupe en Mayenne, ses bureaux à Paris et l’hôtel particulier parisien d’Emmanuel Besnier, président du groupe ayant réalisé plus de 28 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2022, ont été perquisitionnés. Le Parquet national financier (PNF) avait ouvert une enquête pour fraude fiscale aggravée et blanchiment de fraude fiscale aggravée, portant sur les années 2009-2020.

Des barrages annoncés dans le Gers

Alors que le salon de l’agriculture s’ouvrira le 24 février, les actions d’agriculteurs se multiplient. Ce 21 février au matin, 70 km de l’autoroute A62 sont toujours fermés à la circulation entre Agen et Montauban. L’action a débuté la veille, dans le milieu d’après-midi et «la situation pourrait être amenée à perdurer», précise dans un communiqué le gestionnaire de cet axe reliant Bordeaux à Toulouse. Dans le Gers, différents barrages routiers sont déjà annoncés pour ce mercredi.

Les deux syndicats agricoles majoritaires, la FNSEA et les Jeunes agriculteurs, continuent de mettre la pression sur l’exécutif. Reçus mardi après-midi par l’Elysée, les présidents des deux syndicats ont dit attendre des «décisions claires» d’Emmanuel Macron. «On a besoin que le président de la République entende ce que les agriculteurs ont comme colère et ont à lui dire», a expliqué Arnaud Rousseau, le dirigeant de la FNSEA. «On ne peut pas faire un Salon de l’agriculture normal comme si rien n’avait eu (lieu) ces dernières semaines et que tout se passait bien.»

La très attendue conférence de presse de Gabriel Attal sur la crise agricole se tient ce mercredi à 9 heures à Matignon. Accompagné des ministres de l’Economie, de l’Agriculture et de la Transition écologique, Gabriel Attal doit, entre autres, y détailler les «principales orientations» d’un nouveau projet de loi agricole, dans lequel il entend inscrire «l’objectif de souveraineté» alimentaire, et exposer «le suivi et l’exécution» des mesures gouvernementales présentées le 1er février. Il reviendra aussi sur les négociations commerciales entre producteurs, distributeurs et industriels, et sur le respect des lois Egalim, censées garantir une rémunération décente aux agriculteurs, qui ont fait l’objet d’un comité de suivi mardi autour de quatre ministres.