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Concessions

Colère des agriculteurs : Ursula von der Leyen propose de retirer un texte réduisant l’usage des pesticides

Les agriculteurs en colèredossier
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a annoncé ce mardi 6 février qu’elle allait proposer le retrait d’un projet de loi visant à réduire de moitié l’usage des pesticides dans l’Union européenne.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen le 1er février 2024. (John Thys/AFP)
publié le 6 février 2024 à 12h32

Même en Europe, à la fin, c’est toujours l’écologie qui perd. Ursula von der Leyen, future ex-présidente de la Commission européenne, a déclaré ce mardi 6 février devant le Parlement européen à Strasbourg qu’elle allait proposer à ses commissaires d’ôter du «Pacte vert» la proposition législative qui visait à diviser par deux les pesticides utilisés dans l’Union européenne.

Une semaine après avoir formulé aux agriculteurs deux propositions sur les jachères et les importations, la Commission continue ses manœuvres d’apaisement en reculant sur un texte qui, pour Ursula von der Leyen, «est devenu un symbole de polarisation». La proposition sur les pesticides «a été rejetée par le Parlement, il n’y a plus de progrès non plus au Conseil (les Etats membres). C’est pourquoi je proposerai au collège (des commissaires) de retirer cette proposition», a-t-elle déclaré devant les eurodéputés.

Le projet de loi, bloqué par les eurodéputés conservateurs, est également fustigé dans les récentes manifestations agricoles en France et partout en Europe. Depuis des semaines, les agriculteurs dénoncent des normes écologiques européennes jugées excessives. Lundi 5 février, de nouveaux blocages autoroutiers ont eu lieu aux Pays-Bas, tandis que des agriculteurs italiens ont convergé vers Rome pour demander de meilleures rémunérations.

Elément central du «Pacte vert», le projet législatif sur les pesticides avait été proposé en juin 2022 par Bruxelles. Il prévoyait, d’ici 2030 et à l’échelle de l’UE, des objectifs contraignants pour réduire de moitié l’utilisation et les risques des produits phytosanitaires chimiques (par rapport à la période 2015-2017).

Mais le Parlement européen avait rejeté la proposition fin novembre 2023, après des amendements des élus du Parti populaire européen (PPE, le principal parti de droite) la vidant largement de sa substance pour éviter des contraintes qualifiées «d’irréalistes» au monde agricole. A quelques mois des élections européennes de juin 2024, ce rejet rarissime avait contribué à enterrer de facto le texte, alors que le «Pacte vert» de l’UE fait figure d’épouvantail pour une partie des eurodéputés.

Mea culpa

Ursula von der Leyen a par ailleurs affirmé que «le sujet reste d’actualité» mais que «pour avancer, davantage de dialogue et une approche différente sont nécessaires». Sans avancer de nouvelles dates, elle a déclaré que «la Commission pourrait faire une nouvelle proposition beaucoup plus mûre, avec la participation des parties prenantes». Théoriquement, les ministres de l’Agriculture de l’UE pouvaient continuer à débattre du texte. En pratique, les négociations entre les Vingt-Sept se sont durablement enlisées, plusieurs Etats s’alarmant de l’impact sur les rendements et la production.

Dans un exercice de quasi repentance, la présidente de la Commission a regretté un manque de considération des institutions européennes vis-à-vis des producteurs confrontés aux effets du changement climatique et de la guerre en Ukraine : «nombre d’agriculteurs se sentent acculés […] Ils méritent d’être écoutés», ajoutant que «les agriculteurs ont besoin de raisons économiques de prendre des mesures de protection de la nature, peut-être ne leur avons-nous pas exposé ces raisons de manière convaincante».

«Ils savent aussi que l’agriculture doit s’orienter vers un modèle de production plus durable, nous voulons faire en sorte qu’ils restent aux commandes du processus», a-t-elle souligné, rappelant avoir lancé en janvier un «dialogue stratégique» avec le secteur agricole sur son futur. «Il nous faut aller au-delà d’un débat polarisé, instaurer la confiance […] Nous devons éviter de nous rejeter mutuellement la faute, et chercher ensemble des solutions aux problèmes», a-t-elle plaidé. De quoi en satisfaire certains. Le Premier ministre belge Alexander De Croo – dont le pays occupe la présidence tournante de l’UE – a salué l’annonce de von der Leyen : «Il est crucial de garder les agriculteurs de notre côté pour un avenir plus durable de l’agriculture, le dialogue continue».