En résumé :
- Le mouvement des agriculteurs se poursuit ce mardi 30 janvier, avec le blocage des accès à la capitale par la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs. Le convoi mené par la Coordination rurale a poursuivi son chemin vers le marché de Rungis en passant par les petites routes. Il est à 210 km de son but.
- Le Premier ministre, Gabriel Attal, s’est prononcé ce mardi à 15 heures lors de son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale. La crise agricole s’est invitée dès le début de son monologue. Le chef du gouvernement a promis des réponses et des solutions aux agriculteurs. Sans convaincre.
- La confédération paysanne a nommé de nouvelles cibles pour la suite du mouvement : «les centrales d’achats (plateforme logistique de la grande distribution), marchés de gros, et industries agroalimentaires».
L’A6 saturée. Les tracteurs partis de Villabé à l’improviste se sont arrêtés quelques kilomètres plus loin, à Chilly-Mazarin. Ils font dorénavant face à une colonne de CRS dans leurs camions et deux blindés de la gendarmerie. L’A6 et les axes alentours sont complètement embouteillés. De notre envoyé spécial Fabien Leboucq.
Les tracteurs partis de Villabé à l'improviste se sont arrêtés quelques kilomètres plus loin, à Chilly-Mazarin. Ils font dorénavant face à une colonne de CRS dans leurs camions et deux blindés de la gendarmerie. L'A6 et les axes alentours sont complètement embouteillés. pic.twitter.com/kdRsHwMPWv
— Fabien Leboucq (@LeboucqF) January 30, 2024
La Confédération paysanne appelle à «bloquer les centrales d’achat». La Confédération paysanne a appelé mardi soir «à bloquer les centrales d’achat» de la grande distribution et à «cibler les prédateurs du revenu paysan», après le discours de politique générale de Gabriel Attal, qui n’a offert selon elle «aucune perspective de long terme» au monde paysan. «Il n’y a encore aucun engagement de la part du gouvernement pour ouvrir un chantier sur l’interdiction d’achat en dessous du prix de revient de nos produits agricoles», a déploré le 3e syndicat agricole, classé à gauche. En conséquence, elle «appelle à orienter les mobilisations en bloquant les lieux où s’exerce cette pression sur nos prix : centrales d’achats (plateforme logistique de la grande distribution), marchés de gros, industries agroalimentaires et autres prédateurs de la valeur». Interdire «l’achat de nos produits agricoles en dessous du prix de revient», «c’est la réponse première attendue pour répondre à la colère paysanne», a indiqué la Confédération paysanne, qui entend porter cette réclamation mercredi matin, lors d’un «entretien» avec le Premier ministre.
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Le convoi du sud-ouest à 210 km de Paris. La Coordination rurale 47, partie lundi du Lot-et-Garonne avec plusieurs centaines de tracteurs, en vue de bloquer le marché de Rungis, est désormais du côté de Selles-sur-Cher, dans le Loir-et-Cher, soit à 210 km de son objectif. Après deux jours de périple non-stop, la fatigue commence à se faire ressentir. Les agriculteurs ne savent pas encore où ils vont passer la nuit. Le président du CR47, Serge Boussuet-Cassagne, a prévu d’envoyer d’ici demain matin environ 200 voitures en renfort pour permettre un roulement des chauffeurs. La capitale se rapproche doucement mais ce ne sera sans doute pas encore pour ce soir.
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Gabriel Attal va à nouveau recevoir la FNSEA ce mardi soir. Pour la troisième fois, le Premier ministre, Gabriel Attal, et le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, vont recevoir les représentants de la FNSEA, dont son président Arnaud Rousseau, et des Jeunes agriculteurs (JA). Les «nouvelles mesures de soutien» annoncées par Gabriel Attal au cours de son discours de politique générale, n’ont pas convaincu les agriculteurs. La FNSEA et les JA seront reçus à 20 heures à Matignon ce mardi soir. Hier, leur réunion a duré plus de 3h30.
Une mobilisation toujours soutenue ce mardi. Le monde agricole n’a pas relâché la pression ce mardi sur le gouvernement, malgré les nouvelles annonces du Premier ministre, Gabriel Attal. Selon une source policière, quelque 170 rassemblements ont impliqué dans l’après-midi plus de 9 000 personnes et 5 000 engins agricoles. Près de deux semaines après le premier blocage d’axes routiers en Occitanie, les agriculteurs continuent à perturber le trafic un peu partout en France et se rapprochent doucement mais sûrement de Paris. Si le gouvernement laisse faire et encadre les manifestants, il ne laissera pas les tracteurs entrer dans Paris.
La première étape de l’Etoile de Bessèges bel et bien annulée en raison du mouvement des agriculteurs. La première étape de l’Etoile de Bessèges, principale épreuve de rentrée cycliste au calendrier français, qui devait se tenir autour de Bellegarde dans le Gard, mercredi, a été annulée à la demande de la préfecture. L’organisation de l’épreuve s’était rapprochée des syndicats d’agriculteurs, afin de savoir s’ils comptaient neutraliser la course. Et «ils nous ont juste demandé une prise de parole, ce que nous avions accepté», a expliqué la présidente de la course, Claudine Fangille-Allègre. «Mais la préfecture a préféré ne pas prendre de risque», relate-t-elle. La 54e Etoile de Bessèges devrait donc s’élancer jeudi de Marguerittes (Gard), ville départ de la deuxième étape, ont précisé les organisateurs.
Déception du côté des associations environnementales. Le discours de politique générale de Gabriel Attal a également déçu les organisations pour le climat. «En se focalisant sur la suppression des normes environnementales, le Premier ministre privilégie l’agro-industrie au détriment des agriculteurs et des écosystèmes dont ils dépendent», a regretté Greenpeace. Les Amis de la Terre ont dénoncé pour leur part des mesures ne représentant «qu’un pansement sur une jambe de bois tant que les pouvoirs publics n’adressent pas les causes structurelles de la situation économique désastreuse des agriculteurs : accords de libre-échanges, mauvaise allocation des aides PAC, absence de revenu plancher pour les agriculteurs».
Le convoi de la Coordination rurale 47 va «tenter par tous les moyens de remonter vers Paris». Au sein du convoi de tracteurs menés par la Coordination rurale du Lot-et-Garonne, qui se dirige vers le marché de Rungis, la déclaration de politique générale de Gabriel Attal n’a pas non plus convaincu. Du «blabla» qui «ne répond absolument pas nos attentes», a jugé ce mardi le président du syndicat agricole, Serge Bousquet-Cassagne, contacté par l’AFP. Ce dernier rejoint actuellement le convoi des 150 agriculteurs, qui se trouve entre Châteauroux (Indre) et Vierzon (Cher). «Avec moi arrivent environ 200 véhicules légers du Lot-et-Garonne pour renforcer les troupes et remplacer les chauffeurs», a-t-il expliqué. Les agriculteurs, qui ont prévu de passer la nuit entre Vierzon et Orléans, vont «tenter par tous les moyens de remonter vers Paris, et bien sûr vers Rungis», assure Serge Bousquet-Cassagne. Et ce, malgré les nombreux barrages policiers qui se mettent en travers de leur route.
La première étape de l’Etoile de Bessèges menacée par la crise des agriculteurs. Les tracteurs auront-ils raison des cyclistes professionnels ? L’Etoile de Bessèges, la première course à étapes française de la saison, pourrait bien faire les frais de la mobilisation des agriculteurs. La préfecture du Gard se veut pessimiste, ce mardi après-midi, à la veille du départ de la course à Bellegarde. Elle dit ne pas pouvoir assurer la sécurité de la première étape car elle «emprunte certaines routes dont le trafic a très sensiblement augmenté en raison du barrage des agriculteurs sur l’autoroute A9», rapporte France Bleu Gard Lozère. D’après l’antenne publique, les organisateurs espèrent encore pouvoir maintenir cette première étape, le président de la FDSEA du Gard s’étant engagé à ne pas perturber la course.
Pour aller plus loin
Le ministre de la Transition écologique en soutien à l’OFB, cible des agricultures. C’est une visite discrète, imprévue et non publique qui a eu lieu ce mardi, afin de ne pas jeter de l’huile sur le feu de la colère des agriculteurs français. Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, s’est rendu au siège de l’Office français de la biodiversité (OFB), véritable police de l’environnement devenue l’une des cibles des exploitants. L’occasion pour lui de «rappeler l’attachement du gouvernement aux missions qu’ils exercent et pour condamner les dégradations subies», a développé son cabinet ministériel. Des agents et des syndicats de l’OFB réclamaient depuis plusieurs jours un signe de soutien après que des antennes locales de l’administration aient été dégradées ou bloqués par du lisier ou des feux de pneus. Une partie du monde agricole se plaint d’une trop forte «pression» des contrôles de l’OFB.
Sur le blocage de l’A6 ce mardi.
Peu convaincus par le discours de Gabriel Attal, les agriculteurs de l’A6 se lancent en direction de Paris. Le discours de Gabriel Attal n’a vraiment convaincu personne, sur le barrage de Villabé, dans l’Essonne. Peu après la fin d’une allocution qui n’intéressait plus grand monde, une poignée d’agriculteurs courent, et démarrent en trombe leurs tracteurs. On voit un délégué syndical hurler au téléphone, puis parlementer avec les forces de l’ordre. Il prend la parole sur les coups de 17h, devant les restants : «On va remballer le camp et suivre les copains, à quelques kilomètres plus au nord», donc en direction de Paris. Branle-bas de combat, démontage du barnum, des tables et du barbecue. La sono qui diffusait le discours de Gabriel Attal joue maintenant du AC /DC. Par Fabien Leboucq.
Sur les autoroutes dans l’Essonne comme dans le Val-d’Oise, les agriculteurs sont déterminés à poursuivre les blocages tant qu’ils n’auront pas reçu de réponse satisfaisante de l’exécutif.
Reportage
Les réactions au discours de Gabriel Attal se multiplient dans les barrages. Pour Nicolas Girardot, polyculteur et éleveur des Ardennes qui tient le barrage de l’A15, le discours de Gabriel Attal a fait flop. «En parlant d’exception agricole française, il nous brosse dans le sens du poil. Vaudrait mieux qu’il ne dise rien et qu’il agisse. L’agriculture, c’est à Bruxelles que ça se passe maintenant.» Si certains agriculteurs reconnaissent que ce jeune Premier ministre «parle bien», ils lui conseillent «de ne pas trop en faire.» «On n’est pas des politiciens, on préfère qu’il remonte ses manches», poursuit Nicolas Girardot, gilet de sécurité rose fluo sur le dos et casquette floquée aux couleurs de la FNSEA sur la tête. Par Eléonore Disdero.
«D’ici le 15 mars, toutes les aides PAC seront versées sur les comptes bancaires des exploitants», affirme Attal. Lors de son discours de politique générale à l’Assemblée nationale, Gabriel Attal a tenté de rassurer. Les agriculteurs qui n’ont pas encore reçu le solde des aides de la politique européenne de soutien à l’agriculture (PAC) au titre de 2023 seront versés «d’ici le 15 mars […] sur les comptes bancaires des exploitants», a assuré le Premier ministre. Le retard dans les versements des subsides de la PAC fait partie de la longue liste de griefs des agriculteurs qui manifestent un peu partout en France. La France est la première puissance agricole de l’Union européenne, mais aussi le premier bénéficiaire de la PAC, avec plus de neuf milliards d’euros annuels à reverser aux agriculteurs.
Sur le volet agricole, Gabriel Attal enchaîne les redites et quelques nouveautés lors de son discours à l’Assemblée. «Tout ne sera pas réglé en quelques semaines», admet Gabriel Attal ce mardi face à la colère du monde agricole. Il s’est surtout contenté de répéter les annonces déjà faites à la profession vendredi dernier. Notamment sur le renforcement des contrôles pour la loi Egalim, le versement d’aides liées à la maladie épizootique bovine, le versement des aides PAC et la simplification. Les cinq nouvelles mesures annoncées par le Premier ministre s’apparentent à un toilettage de mesures déjà prévues. Un fond d’urgence pour la viticulture sera débloqué dès la semaine prochaine. Le dispositif fiscal en faveur de l’élevage, qui avait déçu les professionnels en décembre, sera «renforcé». Les amendes infligées aux entreprises qui n’auront pas respecté la loi Egalim seront «réutilisées pour soutenir les agriculteurs», et la traçabilité des produits sera davantage contrôlée. Finalement, c’est surtout au niveau européen que le gouvernement souhaite avancer. Notamment sur la question des jachères, qui pourrait se débloquer dès mercredi lors du déplacement de Marc Fesneau à la Commission européenne.
Sur le blocage de l’A15. Alors que les agriculteurs s’étaient éparpillés, peu intéressés par le discours du Premier ministre, certains tendent de nouveau l’oreille quand Gabriel Attal mentionne le monde agricole. Un intérêt de courte durée. Devant le manque de nouvelles annonces, et de la redite du discours de vendredi dernier, certains préfèrent se servir un verre avec la tireuse à bière et grignoter des brownies. «Bon ben on va encore rester là un bout de temps», lance un agriculteur. Céline Helleissen, elle, se dit «blasée». «C’est le néant. Nous ne pouvons pas attendre 2026 pour avoir des annonces, nous allons perdre patience. Nous avons besoin d’oxygène, sinon on va s’étouffer.» Heureusement, dit-elle, d’autres agriculteurs, en provenance d’Agen ou du Lot et Garonne, arrivent aux portes de la capitale et vont solidifier le mouvement. «C’est ça la solidarité !» Malgré tout, pour Céline, l’avenir reste un «grand point d’interrogation». Par Eléonore Disdero.
A Jossigny, à l’est de Paris.
Dans l’Essonne, Gabriel Attal tourne à vide. Au début du discours, plusieurs dizaines d’agriculteurs s’étaient réunis devant la télévision, au barrage de Villabé. Rapidement, remarques désabusées et interjections fleuries ponctuent la prise de parole ministérielle. Un retardataire rejoint l’assistance au bout de quinze minutes : «t’inquiète t’as rien raté», soupire un agriculteur. Un autre s’endort sur sa chaise, à côté d’une côte d’agneau qui finit de noircir sur le barbecue. La foule s’était dispersée quand, après plus d’une heure, les mots «souveraineté alimentaire» du Premier ministre rameutent quelques motivés. Bonnet et polaire, un homme les bras croisés, tête penchée en avant persifle : «Ouais c’est ce qu’il a déjà dit vendredi». Par Fabien Leboucq.