Malgré la crise, les agriculteurs bio continuent de croire en ce qu’ils font. Alors que les difficultés de ces producteurs se sont encore accrues cette année face à une baisse de la consommation et des ventes, poussant le gouvernement à lancer un plan de soutien de 60 millions d’euros, l’Agence bio a voulu en savoir plus sur le regard des professionnels sur leur métier et leur avenir. Chargée du développement et de la promotion de l’agriculture biologique (AB), l’agence a lancé pour la première fois une grande enquête auprès de tous les agriculteurs bio de l’Hexagone. Les résultats de ce premier baromètre, rendus publics ce mercredi 20 septembre, permettent de voir que l’AB reste une source de fierté. «Tout le monde a commenté la crise du bio. C’était le moment de donner la parole aux principaux intéressés», explique la directrice de l’agence, Laure Verdeau.
Sur les près de 60 000 producteurs labellisés en France, 20 % ont répondu à un questionnaire en ligne, mené au printemps. Puis, plus de 4 500 d’entre eux ont répondu à une enquête qualitative par téléphone, cet été. Enseignement principal du sondage : le bio reste «un facteur d’attractivité du métier agricole, crucial pour remplacer les départs à la retraite». La question du renouvellement des générations est en effet essentielle dans le monde agricole actuel : alors qu’un agriculteur sur deux sera en âge de partir à la retraite en 2030, le gouvernement prévoit de doubler les surfaces en bio d’ici la même année, selon la feuille de route de la planification écologique.
«Un choix au service du collectif»
Preuve de cette attractivité : 50 % des agriculteurs bio ne sont pas issus du monde agricole, et 24 % à 48 % des candidats à l’installation comptent passer au bio. Dans le baromètre, 95 % des répondants se disent «fiers» de travailler en AB, et 86 % jugent qu’être en bio «contribue à leur bonheur». 62 % restent «optimistes vis-à-vis du développement de l’AB». Pour autant, les filières les plus en difficulté sont aussi celles qui sont les moins satisfaites d’exercer en AB : plus de 11 % des éleveurs de porcs et de volailles bio, en première ligne face à la crise, ne se disent «pas satisfaits», alors que ce taux est de moins de 6 % en viticulture. Tandis que le nombre de conversions ralentit encore, et que certains agriculteurs bio commencent à mettre la clé sous la porte, les professionnels lancent un «cri d’alarme». «On commente la crise de façon court-termiste, mais les bio sont long-termistes. Ils montrent qu’ils font un choix au service du collectif et d’une agriculture locale, mais il ne faudrait pas que la surface en bio diminue», expose Laure Verdeau.
Reportage
Parmi les motivations des agriculteurs bio, les facteurs sanitaires et écologiques arrivent en tête. «Prendre soin de l’environnement» est un levier de motivation pour 85 % des agriculteurs, suivi de «préserver la santé» pour 73 % d’entre eux. A l’inverse, seuls 7 % y voient une manière de «répondre favorable à une incitation de [sa] coopérative» ou des consommateurs, ce qui tord le cou à l’idée des conversions par opportunisme, avec des agriculteurs qui passeraient au bio sans conviction, mais uniquement pour répondre au marché. 33 % y voient le moyen de «bénéficier de prix justes, rémunérateurs et stables». Mais, dans le même temps, «la faiblesse de plus-value» fait partie des facteurs «qui pourraient mettre à mal [leur] engagement en bio» pour 50 % des répondants.
Manque d’accompagnement
Enlisés dans une crise sans précédent, coincés entre un pouvoir d’achat réduit dû à l’inflation et la concurrence de nombreux labels moins-disant d’un point de vue environnemental (sans résidus de pesticides, locaux, etc.), 55 % des agriculteurs bio réclament de meilleurs prix de vente de leur production. Pour sortir de la crise, ils sont aussi 51 % à avoir besoin d’un «renforcement de la communication sur ce qu’est l’AB», 46 % un «renforcement des aides» et 40 % une «baisse des charges».
Enfin, alors que les premières ébauches de la loi d’orientation agricole, qui devrait être présentée au Parlement d’ici décembre, prévoient d’installer un «guichet unique» confié aux chambres d’agriculture pour accompagner les transmissions et installations des jeunes, ce baromètre met en lumière le faible accompagnement des agriculteurs bio.
Moins de la moitié citent les structures d’accompagnement, comme les chambres d’agriculture, parmi les organisations qui les ont le mieux accompagnés dans leur activité bio. 29 % se sont davantage appuyés sur leurs collègues, et près de 23 % affirment n’avoir eu «aucun accompagnement». Par ailleurs, 72 % n’ont pas reçu de formation en AB avant leur installation ou conversion.