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Glyphosate : un lien entre l’herbicide et les malformations prénatales établi pour la première fois

Le Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides a récemment reconnu un lien possible entre les graves malformations de Théo Grataloup et le glyphosate. Sa famille veut peser dans les débats européens sur la réautorisation du pesticide.
Une manifestation contre le glyphosate à Toulouse le 24 mai 2019. (Alain Pitton/Nur.AFP)
publié le 10 octobre 2023 à 9h36

Une première victoire historique après un long combat. La famille Grataloup a annoncé lundi 9 octobre au soir à plusieurs médias que le Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides avait récemment retenu «la possibilité du lien de causalité entre la pathologie de l’enfant et l’exposition aux pesticides durant la période prénatale du fait de l’activité professionnelle de l’un ou des deux parents». Une indemnisation de l’ordre de 36 000 euros, selon France Info, pour un enfant, Théo, né avec de graves malformations de l’œsophage et du larynx et ayant déjà subi 54 opérations chirurgicales. Son dossier sera réévalué à sa majorité, en 2025.

En 2006, alors que sa mère, Sabine, ignorait encore être enceinte d’un mois, elle a désherbé pendant plusieurs jours la carrière d’équitation familiale avec du Glyper, un générique du Roundup de Monsanto, fournisseur de la substance active. Or, c’est à ce stade clé que l’œsophage et la trachée se forment chez le fœtus. Thomas et sa femme ont finalement assigné en mai 2018 la firme américaine, rachetée depuis par l’allemand Bayer, devant le tribunal de grande instance de Vienne (Isère). La procédure judiciaire est toujours en cours.

La famille a beaucoup médiatisé son combat, et a beaucoup pris de coups en retour. Théo était muet jusqu’à ce qu’il apprenne à s’exprimer avec une voix œsophagienne, métallique et gutturale, «qui n’évoluera jamais» et l’expose aux railleries des autres enfants. Aussi, quand la décision d’indemnisation tombe, en mars 2022, les parents décident de ne pas en parler.

C’est la proposition de la Commission européenne de réautoriser le glyphosate pour dix ans, le 20 septembre dernier, qui a poussé les Grataloup à sortir de leur silence. «Voir aujourd’hui des politiques, des journalistes et des leaders d’opinion plaider le renouvellement du glyphosate en affirmant que «la science a parlé», que «ce produit ne pose aucun problème», etc., cela nous est insupportable», explique Sabine Grataloup au Monde. Dans le média Vatika, son fils Théo s’adresse directement à Emmanuel Macron qui avait promis l’interdiction du glyphosate en 2017.

La dangerosité du glyphosate pour la santé humaine, bien qu’étayée scientifiquement, n’est pas reconnue par les agences sanitaires européennes. Il est considéré comme cancérigène probable par l’OMS depuis 2015. En 2021, une expertise collective de l’Inserm appuie cet avis. Mais les agences sanitaires européennes, qui sont les seules à s’appuyer sur des études menées par le fabricant, ne se sont pas rangées aux avis scientifiques sur la question. Un vote sur le glyphosate est prévu à Bruxelles le 13 octobre. Sabine Grataloup espère faire pencher ce scrutin vers une interdiction de l’herbicide. «La décision du FIVP ne relève pas du militantisme ou de la compassion, mais d’une expertise scientifique», précise-t-elle au quotidien du soir.

Le Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides a été créé en 2020, par la loi de financement de la sécurité sociale. Il est constitué d’un conseil de gestion, d’un comité de reconnaissance des maladies professionnelles ad hoc, chargé d’instruire les demandes des victimes professionnelles qui ne remplissent pas les conditions des tableaux de maladies professionnelles ou dont la maladie n’est pas désignée dans un tableau, et d’une commission d’indemnisation des enfants victimes d’une exposition prénatale.