Cette fois-ci, la justice tranche contre les mégabassines. Deux projets de retenues d’eau destinées à l’irrigation agricole en Poitou-Charentes ont été annulés, ce mardi 3 octobre, par le tribunal administratif de Poitiers. La justice pointe leur inadaptation face au changement climatique.
Le litige portait sur deux projets : l’un de neuf retenues prévues sur les bassins de l’Aume et de la Couture dans les départements de la Charente, Charente-Maritime et des Deux-Sèvres, l’autre concernant six autres mégabassines dans le sous-bassin de la Pallu, dans la Vienne. Ces projets visaient à créer et exploiter 15 réserves dites «de substitution» d’une capacité totale d’environ trois millions de mètres cubes. Leur principe consiste à prélever de l’eau dans les nappes superficielles en hiver, pour la mettre à disposition d’agriculteurs qui irriguent en été, quand la pluie se fait rare.
Décryptage
Des associations locales de défense de l’environnement, alliées à l’UFC-Que Choisir et à la Confédération paysanne dans la Vienne, ainsi qu’à la Ligue de protection des oiseaux, avaient attaqué ces bassines en saisissant le tribunal administratif de Poitiers. Ils demandaient que la justice annule les arrêtés préfectoraux ayant autorisé ces projets en 2021, portés par des collectifs d’agriculteurs.
«Surdimensionnement du projet»
Une première décision épingle des «inexactitudes, omissions et insuffisances» dans l’étude d’impact environnemental des neuf mégabassines programmées dans le bassin Aume-Couture. Ces dernières ont eu «pour effet de nuire à l’information complète de la population». Le tribunal considère par ailleurs que «le projet n’est pas associé à de réelles mesures d’économie d’eau et ne tient pas compte des effets prévisibles du changement climatique».
Dans la Vienne, les juges pointent un «surdimensionnement du projet» en termes de volumes d’eau à prélever pour remplir les réserves, au regard de ce que le milieu hydrologique local «est capable de fournir dans des conditions écologiques satisfaisantes» et compte tenu des «effets prévisibles du changement climatique». Le tribunal conclut à «une erreur manifeste d’appréciation» de la préfecture «dans la mise en œuvre du principe de gestion équilibrée et durable de la ressource» définie par le Code de l’environnement.
Interview
Ces retenues sont très contestées dans la région, où des manifestations d’opposants, interdites par les autorités, ont donné lieu à de violents affrontements avec les forces de l’ordre autour d’une mégabassine en chantier à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) en mars dernier. Ces projets-là ont été validés par la justice début avril 2023. En janvier, la cour d’appel de Bordeaux a, elle, annulé l’autorisation du projet de retenues de substitution en Charente-Maritime, tandis qu’en février l’utilisation de cinq mégabassines déjà construites en Charente-Maritime a été interdite par le Conseil d’État.