Consommatrice excessive en pesticides, la viticulture aurait des répercussions sur la santé de ses riverains. Et pas n’importe lesquels. Une étude publiée par l’Inserm ce mercredi 18 octobre dans la revue Environmental Health Perspectives s’intéresse au risque accru de leucémie chez les enfants habitant près de vignes. Les réponses apportées sont nuancées : la simple présence de vignes à moins d’un kilomètre de l’habitation ne serait pas un facteur de risque de leucémie chez les enfants, mais la taille de la surface, oui.
Les chercheurs ont étudié pendant six ans la localisation du domicile de 45 000 jeunes Français de moins de 15 ans. Parmi eux, 3 711 étaient atteints de leucémie aiguë – maladie rare qui touche uniquement les enfants, environ 500 chaque année en France –, et 40 196 non-malades, tirés au sort à partir des fichiers fiscaux des Français. «On trace autour de chacun des enfants un cercle d’un kilomètre de rayon et on regarde sur la carte ce qu’il y a à cet endroit», détaille à Libération Jacqueline Clavel, coresponsable de l’étude.
Premier enseignement : «Le fait de simplement résider à proximité de vignes ne semble pas augmenter le risque de leucémie aiguë chez les enfants», précise auprès de Libération Stéphanie Goujon, chercheuse à l’Inserm et coautrice de cette étude. La simple présence de vignes à moins de 1 000 mètres du lieu de résidence n’était «pas plus fréquente» chez les enfants atteints de leucémie (9,3 %) que chez les témoins (10 %).
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Mais le risque de leucémie augmente «légèrement» si l’on tient compte de la surface totale des vignes et non de leur seule présence. «En moyenne, pour chaque augmentation de 10 % de la part couverte par les vignes dans le périmètre de 1 000 mètres, le risque de leucémie aiguë lymphoblastique augmente de près de 10 %», précise un communiqué de l’Inserm. Il existe deux types de leucémies aiguës chez l’enfant : myéloïde et lymphoblastique, cette dernière représentant 80 % des cas.
Selon les régions, les résultats se révèlent hétérogènes, avec des associations plus ou moins nettes entre le risque de leucémies pédiatriques et l’habitation près de vignes. Curieusement, la Nouvelle-Aquitaine ne fait pas partie des régions les plus touchées. Stéphanie Goujon appelle à la prudence : «Ce résultat nous a un petit peu surpris» pour une région «très viticole, avec beaucoup d’enfants à proximité de vignes». «Il est possible que notre indicateur national ne soit pas optimal pour certaines régions lorsqu’on les considère individuellement», reconnaît la chercheuse.
«La période prénatale est également cruciale»
Cette étude, menée en collaboration avec Santé publique France et avec le soutien financier de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) et de l’Institut national du cancer, est l’une des premières à se pencher sur les risques directement encourus par les enfants vivant près de parcelles viticoles. Mais «pour le moment, l’étude ne fait aucun lien avec les utilisations de pesticides», tempère Stéphanie Goujon qui admet que son équipe «y travaille». «C’est l’objectif final.» L’exposition aux pesticides est, en effet, suspectée d’être un facteur de risque de cancers, et leur utilisation de plus en plus contestée en France comme au sein de l’Union européenne, étant dangereux pour la santé comme pour l’environnement.
Pour l’heure, le choix a été fait de se focaliser d’abord sur la viticulture, culture «pérenne» associée à de «nombreux traitements phytosanitaires», détaille Stéphanie Goujon. Y compris de se concentrer uniquement sur la période d’exposition à proximité du diagnostic. «Nous menons des études similaires portant sur la résidence au moment de la naissance : quand on parle du développement de la leucémie, la période prénatale est également cruciale», rappelle la chercheuse.
Les travaux vont donc se poursuivre afin d’analyser «d’autres cultures, la présence de route, ou encore de radiation», ajoute Jacqueline Clavel, mais également d’autres types de cancers pédiatriques, les liens avec l’usage de pesticides ou encore la domiciliation proche de parcelles en bio.