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Libération
Colère des agriculteurs

Loi d’orientation agricole : le texte devra attendre l’avis du Conseil constitutionnel avant son examen à l’Assemblée

Les agriculteurs en colèredossier
Après demande des insoumis, les juges devront se prononcer sur la sincérité de l’étude d’impact de la loi, présentée la semaine dernière, deux mois après le mouvement de colère des agriculteurs, avant tout débat à l’Assemblée nationale.
Une manifestation d'agriculteurs à l'initiative de la Coordination rurale à Dijon, le 29 mars 2024. (Arnaud Finistre/AFP)
publié le 9 avril 2024 à 14h21

Premier coup dur pour la loi d’orientation agricole, avant même d’être débattue. Les Insoumis ont obtenu ce mardi 9 avril que le texte soit retiré de l’ordre du jour de l’Assemblée nationale en attendant un avis du Conseil constitutionnel. Celui-ci devra être saisi par le gouvernement et aura alors huit jours pour se prononcer sur la constitutionnalité de l’étude d’impact qui accompagne le projet de loi, a annoncé la présidente du groupe LFI Mathilde Panot, se réjouissant cette première «victoire» sur ce texte critiqué par la gauche et les écologistes.

Des «réserves» sur la sincérité de l’étude d’impact

Présentée la semaine dernière, cette loi sur «la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations» attendue depuis des mois devait initialement être débattue à l’Assemblée nationale à compter du 13 mai, avant une discussion au Sénat un mois plus tard. Ce calendrier est désormais suspendu à la décision du Conseil constitutionnel. LFI, s’appuyant sur l’avis du Conseil d’Etat publié après l’adoption du texte en conseil des ministres, argue que «les règles relatives à la sincérité des études d’impact fixées par la loi organique en application de la Constitution sont méconnues». En effet, si le Conseil d’Etat juge que l’étude d’impact, déjà complétée après un premier avis de cette juridiction suprême, «répond, dans l’ensemble, aux exigences» de la Constitution, il a malgré tout émis plusieurs réserves. Notamment à propos de la «partie relative aux dispositions tendant à accélérer la prise de décisions contentieuses, très insuffisamment motivée».

A la suite des fortes mobilisations agricoles cet hiver, le gouvernement a tenté de calmer la fronde en proposant plusieurs mesures de simplification, dont certaines ont été reprises dans la loi. C’est le cas par exemple de la réforme de gestion des haies ou de la réduction des délais de recours contre les projets d’ouvrages de stockage d’eau et les bâtiments d’élevage. Or, certaines dispositions sur les haies «ne sont pas cohérentes» avec le reste du projet de loi, dispose le Conseil d’Etat dans son avis.

Celui-ci a également recommandé de ne pas «retenir» les mesures sur les contentieux, les jugeant «susceptibles de présenter des risques de constitutionnalité» puisqu’elles «n’ont pas fait l’objet d’une évaluation» et à propos desquelles «l’étude d’impact ne fait pas apparaître de difficultés particulières […] et se borne à anticiper une hausse du nombre des recours». D’autres dispositions du texte, comme la facilitation du recours aux chiens de protection des troupeaux ou la valorisation des produits lainiers, ont été jugées «dépourvues d’utilité.»

Un «artifice de procédure» selon la macronie

Cet avis du Conseil d’Etat «montre que le gouvernement a forcé pour introduire dans le texte des dispositions qui n’ont rien à y faire», juge LFI, alors qu’une source parlementaire de la majorité fustige en revanche de la part des Insoumis «un artifice de procédure déjà utilisé sur la loi de programmation militaire l’an dernier [dont les conditions de présentation avaient été jugées conformes, ndlr] qui consiste à essayer de retarder le début de l’examen du projet de loi».

Si les saisines du Conseil constitutionnel pour contrôler les insuffisances d’une étude d’impact avant même le débat parlementaire sont permises depuis 2008, seuls deux précédents existent. La loi de programmation militaire, en 2023, et la loi sur le redécoupage des régions en 2014. A chaque fois, les Sages avaient conclu que les règles relatives aux études d’impact n’avaient pas été méconnues.

Le ministère de l’Agriculture, dénonçant «une nouvelle alliance improbable» des oppositions qui «ne veulent pas débattre, ne veulent pas construire, et vont user de tous les arguments de procédure pour obstruer le débat démocratique», insiste sur «le travail sérieux et documenté» du gouvernement. Sur l’agenda parlementaire, il précise : «Si le Conseil constitutionnel valide l’étude d’impact, le calendrier reprendra son cours. Le calendrier ne serait véritablement affecté que si le Conseil constitutionnel estime que l’étude d’impact devrait être retravaillée.»

Mise à jour : précision sur les précédentes saisines du Conseil constitutionnel avant les débats parlementaires, le 9 avril à 17 heures.