Les uns vantent un projet «exemplaire», les autres le jugent «délétère». Depuis le début du débat sur les seize bassines portées par la Coop de l’eau dans l’ex région Poitou-Charentes – les plus contestées –, les positions sur les réserves de substitution n’ont pas varié d’un iota. Pour les détracteurs de ces retenues d’eau qui pompent et stockent l’eau en hiver pour l’utiliser en été, celles-ci sont synonymes d’une agriculture intensive dont les pratiques vont à rebours de la nécessaire transition agroécologique. Les autres mettent en avant les efforts consentis par les agriculteurs dans le cadre d’un protocole d’accord signé en 2018 pour amorcer un verdissement. Au lendemain de la première manifestation de Sainte-Soline, le 29 octobre 2022, le comité de bassin de l’agence de l’eau Loire-Bretagne lançait une médiation pour apaiser la situation et éviter une «catastrophe». Son président, Thierry Burlot, a multiplié les rencontres avec les parties prenantes. Mais un an après, peu d’avancées concrètes peuvent être tirées de ce dialogue. «Il y a des jusqu’au-boutistes dans les deux camps et pour l’instant ce sont eux qui gagnent», déplore-t-il.
Reportage
La médiation s’est achevée le 13 décembre, avec la présentation des résultats d’une «évaluation indépendante du bilan des engagements» pris par les agriculteurs depuis la signature du protocole il y a cinq ans. Consulté par Libé, le rapport pointe un système «complexe» et des objectifs «peu ambitieux». Au niveau des engagements individuels, ils sont pris au fur et à mesure des travaux et des mises en service des bassines. Or, seule une réserve est en état de marche à ce jour, et deux autres chantiers ont été lancés dont le fameux ouvrage de Sainte-Soline. Ce qui signifie que les autres irrigants, ceux qui bénéficieront d’une bassine pas encore construite, peuvent continuer comme avant tant qu’ils n’ont pas leur retenue.
Surtout, les engagements pris sont proches de ce qui est déjà demandé dans la politique agricole commune de l’Union européenne pour toucher certaines aides, donc «correspondent à des tendances déjà en place». «Ce manque d’ambition est un signal très négatif alors que la mise en œuvre [du protocole] ne fait que démarrer et que la réalité de l’évolution des pratiques agricoles est très contestée, pointe le rapport. Les actions les plus souscrites demandent peu d’efforts supplémentaires […] et portent rarement sur la réduction de l’usage des produits phytosanitaires, réduction indispensable pour la protection de la ressource en eau et la biodiversité.»
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D’ailleurs, selon des données de la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres, l’indice de fréquence de traitement (IFT) – utilisé pour observer une tendance sur l’usage des pesticides – avait augmenté en 2022 par rapport à 2018. «Le niveau d’ambition de cet objectif de réduction de l’IFT peut paraître irréaliste sans inflexion radicale, et semble l’être à court terme», conclut l’expertise qui appelle toutefois à «ne pas laisser tomber». «Est-ce que le protocole va être durci ? A mon avis, c’est impossible, sinon la Coop explose», conclut un des participants. Thierry Burlot, lui, continue de croire «qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire» et mise tout sur «les modérés, qui sont capables de trouver un compromis».