De quoi rajeunir Michel Barnier de quinze ans. Les acteurs du milieu agricole ont accueilli la nomination du nouveau Premier ministre, ce jeudi 5 septembre, par une salve d’injonctions contradictoires. Les syndicats majoritaires productivistes, FNSEA et Jeunes agriculteurs, esquissent la feuille de route du futur chef du gouvernement «de plein exercice». «Pragmatisme dans la décision, visibilité pour les acteurs économiques et ambition de production pour un retour à la souveraineté alimentaire en France sont les maîtres-mots qui devront présider à son action», écrivent-ils dans un communiqué commun. Sympas, ils ont même publié, le 29 août, leur projet de loi «entreprendre en agriculture», pour faciliter le travail du gouvernement.
De son côté, la Confédération paysanne demande à être reçue pour défendre «un revenu pour tous les paysan·nes et une répartition juste des soutiens publics». Enfin, l’association Générations futures demande «un changement radical de cap, en mettant en avant l’urgence d’une politique plus ambitieuse et responsable en matière de santé environnementale». Michel Barnier connaît ce jeu d’acteurs. Il a occupé le poste de ministre de l’Agriculture de 2007 à 2009, lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy.
«On est dans un contexte particulièrement pourri»
L’homme y a été fidèle à son image de négociateur. «Il a ouvert le ministère aux associations», note François Veillerette, qui était déjà membre de Générations futures à l’époque. Laurence Marandola, elle, n’était pas encore au siège de la Confédération paysanne, mais, renseignements pris, Barnier a laissé l’image d’un ministre dans «l’écoute et la concertation. Soit l’inverse des méthodes auxquelles nous avons eu droit dernièrement». Michel Barnier a été ministre de l’Agriculture au moment particulier du Grenelle de l’environnement. Il a donc dirigé la mise en place du plan EcoPhyto qui visait la réduction de moitié de l’usage des pesticides en dix ans. «Le mouvement vers une agriculture durable, moins de pesticides, moins d’eau, plus d’attention à la terre, s’est amorcé», lançait-il fièrement à Libé à l’issue de son passage au ministère.
Le plan EcoPhyto est revenu sur le devant de la scène en 2024. La crise agricole de l’hiver dernier a débouché sur sa modification. Symbole de la victoire des syndicats productivistes, le changement d’indicateur de référence pour mesurer l’utilisation des pesticides en France. Exit le Nodu, pour «Nombre de doses unité», place à un indice utilisé à l’échelle européenne, le HRI1. Ironie de l’histoire, «Michel Barnier s’était battu pour l’introduction du Nodu. Il avait tenu bon, malgré la pression des syndicats», se souvient François Veillerette. Dans les archives de son syndicat, Laurence Marandola a aussi des traces de Michel Barnier défendant une évolution de la politique agricole commune européenne vers un modèle plus redistributif. Mais 2024 n’est pas 2007. «On est dans un contexte particulièrement pourri», se désole Veillerette. «On attend un signal qui sera le nom du ministre de l’Agriculture», complète Marandola. «Vous savez quand cela arrivera ?» Non, on ne sait pas.