Après une utile veillée d’armes, une grande partie des agriculteurs semble suivre le mot d’ordre de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs (JA) de lever des blocages après une série de concessions gouvernementales. Si de nombreux barrages prennent fin tour à tour ce vendredi 2 février, notamment en région parisienne, plusieurs points noirs persistent sur les routes du pays.
Ceux qui tiennent encore
Quelques récalcitrants demeurent sur les routes ce vendredi. De «rares points localisés» veulent «se maintenir jusqu’à samedi» et «des groupes isolés» «tenir jusqu’au Salon de l’agriculture», qui se tiendra à Paris du 24 février au 3 mars, a précisé à l’AFP une source policière. Dans un communiqué, Vinci Autoroutes mentionne une dizaine de portions d’autoroute sur son réseau qui demeurent coupées à 15 h.
Les équipes de VINCI Autoroutes sont toujours mobilisées sur les lieux libérés par les manifestants pour permettre à la circulation de reprendre, après accord des autorités préfectorales.
— VINCI Autoroutes (@VINCIAutoroutes) February 2, 2024
📍Point de situation ce vendredi 2 février à 15h
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En Isère, sur l’A43, les agriculteurs présents à l’appel de la Confédération paysanne ont annoncé leur ferme intention de rester. Au péage de Saint-Quentin-Fallavier, le syndicat, déçu des annonces du Premier ministre, a prévu de maintenir la pression jusqu’à lundi 5 février. Celui de Chasse-sur-Rhône sur l’A7 reste également en place.
Même chose dans les Bouches-du-Rhône ce matin, où des agriculteurs en colère brûlent des drapeaux de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs en signe de contestation, et restent déterminés à bloquer l’A51, d’après France Bleu Provence. En Occitanie, dans le Gers, quelques points sur la route nationale N124 demeurent bloqués, la levée des barrages étant prévue dans la journée de samedi.
VIDEO - En colère des agriculteurs des Bouches-du-Rhône brûlent les drapeaux des syndicats FDSEA et JA. Malgré les appels à lever les barrages ils restent déterminés et continuent de bloquer l'A51. (vidéo : Christian. Droits réservés). pic.twitter.com/JCS0rGLK6s
— France Bleu Provence (@bleuprovence) February 2, 2024
Pas de levée des barrages non plus sur la RN10 et l’A10 dans la Vienne. Au micro de France Bleu Poitou, le président de la Coordination rurale 86, François Turpeau, reconnaît que les annonces de Gabriel Attal représentent des «avancées», mais qu’elles ne vont «pas assez loin». «Pour l’instant, il n’y a pas d’évolution, dans le blocage de l’A10, a-t-il assuré. Il faut voir comment les choses vont évoluer.» Plus tard dans la journée, Vinci Autoroutes a annoncé sur X la réouverture en Île-de-France de l’A10.
Un barrage filtrant a également été mis en place vendredi matin à un péage à proximité de Saint-Quentin, dans l’Aisne, sur l’A26, indique Bruno Cardot, de la Confédération générale des planteurs de betteraves, association spécialisée de la FNSEA. L’action a été maintenue «parce que la base le demandait, une sorte de baroud d’honneur, de sas de décompression après dix jours très intenses», explique le planteur.
La Confédération paysanne a également fait évoluer la mobilisation en bloquant jeudi soir six zones logistiques de la grande distribution à travers le pays. Plusieurs collectifs écologistes ont appelé à rejoindre ces actions ce vendredi afin de soutenir les paysans dans leur lutte. A Bourges, le blocage de la plateforme logistique de Carrefour a été levé par les forces de l’ordre ce vendredi. A quelques centaines de mètres, les agriculteurs de la FNSEA ont décidé d’eux-mêmes de débloquer l’échangeur de l’A71 qu’ils occupaient depuis lundi soir, conformément à l’appel de leurs représentants nationaux. Sandie Floquet, paysanne et membre de la Confédération paysanne, dénonce à Libération un deux poids, deux mesures, de la part des autorités. «D’autres syndicats ont brûlé des pneus pendant des semaines et on a laissé faire. Avec nous, le ton n’est pas du tout le même.» La préfecture du Cher, elle, affirme à Libération qu’il n’y a aucune différence de traitement entre les syndicats et que le blocage d’une entreprise privée «n’est pas du même ordre» que l’obstruction de l’échangeur.
Ceux qui lèvent le camp
Autour de Paris, les nombreux barrages cèdent un à un. Les tracteurs ont levé le camp vers 11 heures sur le barrage de l’A6 à Chilly-Mazarin (Essonne) à côté de Rungis, après cinq jours de blocage. Un temps retardé car tout n’était pas encore nettoyé, le convoi composé de 60 tracteurs va être escorté par les policiers jusqu’à Auverneaux (Essonne), puis les gendarmes prendront le relais, d’après les informations de BFMTV.
Fin des blocages des agriculteurs: les tracteurs sont escortés par la police pour quitter l'autoroute A6 pic.twitter.com/M4Qs0Co1mp
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Dans le Val-d’Oise, les tracteurs présents sur l’A15 vers Argenteuil sont en train de se retirer. Quant aux agriculteurs postés sur l’A1 au niveau de l’aire de Chennevières, le départ a été fixé à 11 heures, escortés eux aussi par la police. Même chose pour ceux qui se trouvent sur l’A16, vers l’Isle-Adam. «Les autoroutes #A1, #A15 et #A16 sont intégralement ouvertes dans le Val-d’Oise dans les deux sens de la circulation», a confirmé la préfecture du département sur les réseaux sociaux.
Alors qu’ils étaient toujours en attente ce vendredi matin d’un «calendrier de mise en place des mesures» gouvernementales avant de lever le camp, les agriculteurs présents sur l’A13 ont finalement décidé de déserter l’autoroute, d’après les images de France Bleu Paris. Les tracteurs, qui bloquaient l’asphalte à hauteur d’Epône-Mézières (Yvelines) font désormais demi-tour les uns après les autres, après avoir pris le temps de débarrasser la route de leurs nombreuses bottes de paille. L’autoroute doit rouvrir vers midi. A 16 h, la préfecture des Yvelines a confirmé sur X la fin des manifestations sur l’A10, l’13 et la N12, où les derniers tracteurs sont partis dans la journée.
Les agriculteurs lèvent leur blocage sur L’A13 à Épônes Mézières#AgriculteursEnColere pic.twitter.com/ORIxRFBPvy
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Toujours sur l’A13 mais du côté de Gaillon (Eure), les agriculteurs sont partis en milieu d’après-midi. La préfecture du département a annoncé la «levée définitive du blocage sur l’A13 […] à 15 h 30.» Sur l’A150, au nord de Rouen, les agriculteurs, emmenés par la FDSEA 76 et les JA 76 ont annoncé se replier dans l’après-midi, avant de se rendre à un rendez-vous avec le préfet de la Seine-Maritime, selon France Bleu Normandie.
En Occitanie, un temps épicentre du mouvement de la colère mais en perte de vitesse depuis la venue du Premier ministre Gabriel Attal il y a une semaine, le nouveau train d’annonces a conduit à la levée, immédiate ou prochaine, de plusieurs barrages, notamment dans l’Aveyron. Autour de Toulouse, les blocages d’autoroutes ont tous été levés ce vendredi matin. Le barrage sur l’A68 à hauteur de Montastruc a été défait à 6 h 30. En Tarn-et-Garonne, dans le département le plus bloqué depuis deux semaines, les 70 kilomètres de l’A62 entre Montauban et Agen ont été libérés tôt par les agriculteurs ce vendredi matin.
Dans les Hauts-de-France, tous les barrages sont levés et aucune action à l’appel de la section régionale de la FNSEA n’est prévue dans les jours à venir, a assuré son président, Simon Ammeux. Les tracteurs qui bloquaient l’A1 à proximité de l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle «sont sur la route du retour», selon lui.
Autour de Lyon, «tous les points» que «maîtrisait» la FNSEA seront levés ce vendredi à «14 heures», a affirmé Michel Joux, patron régional du syndicat. La préfecture du Rhône a confirmé sur X que les deux sens de circulation ont bien été rouverts sur l’A6, au péage de Villefranche-sur-Saône. Le préfet de la Drôme, Thierry Devimeux, a annoncé de son côté dans un communiqué une «réouverture partielle de l’autoroute A7 dans les prochaines heures», indiquant que «tous les points de fixations sont en passe d’être débloqués à l’exception de celui d’Albon sur l’autoroute A7». Les voies sont en train d’être nettoyées. Il ajoute que «l’accès à l’autoroute A49 devrait également être possible rapidement».
Plusieurs départs dès jeudi soir
Jeudi, de premiers signes de détente s’étaient déjà multipliés, avec notamment le demi-tour du convoi de tracteurs partis du Lot-et-Garonne vers Paris, la fin du blocage du pont de Cheviré franchissant l’embouchure de la Loire ou encore le départ des agriculteurs des barrages qui coupaient l’A6 au niveau du péage de Villefranche-sur-Saône au nord de Lyon ou l’A81 entre Le Mans et la Bretagne. Quant à celui sur l’A4 au niveau de Jossigny (Seine-et-Marne), les agriculteurs ont quitté les lieux dans la nuit de jeudi à vendredi. Sur l’A9, à Nimes, il ne restait ce vendredi matin que quelques personnes, en train de nettoyer les lieux.
Décryptage
Jeudi soir, les préfectures ont fait état de levées de barrages un peu partout dans le pays, ou à tout le moins d’allègements, même si des blocages ponctuels ont persisté, selon Matignon. Au niveau national jeudi à 19 heures, on a constaté une «décrue très lente» des barrages, selon une source policière à l’AFP, même s’«il ne faut pas interpréter cette lenteur autrement que comme un côté un peu veillée d’armes et communion des agriculteurs qui se sont battus pendant une dizaine de jours pour obtenir des garanties».
«Pour nous, le mouvement a assez duré, les objectifs ont été atteints […] tout le monde a connaissance des dossiers qu’on porte», a expliqué le secrétaire général de la Coordination rurale Christian Convers. «S’il y en a dans les départements qui veulent continuer, c’est leur affaire», a ajouté le responsable, estimant que vu les avancées obtenues, «quelques jours de mobilisation supplémentaires n’apporteront rien, si ce n’est de la gêne à la population».
«La question fondamentale du revenu»
«On veut du concret», sinon «on remettra le couvert», met en garde ce vendredi matin le patron de la FNSEA, Arnaud Rousseau. Interrogé sur BFMTV, il prévient : «Si tout ça n’était qu’un feu de paille, on remettra le couvert». Le patron du syndicat agricole donne à l’exécutif «jusqu’au mois de juin» pour «avoir une loi en dur». «Le match n’est pas fini : il reste encore le point de tension, l’ombre au tableau, celle de Lactalis qui n’en fait qu’à sa tête sur le prix du lait. On pourrait donc ressortir les tracteurs dans quelques jours pour aller y faire un petit tour…», avait prévenu jeudi Laurent Saint-Affre, délégué de la FDSEA de l’Aveyron. Parmi les conditions posées par la FNSEA et les JA pour ne pas ressortir les tracteurs sur les autoroutes : de «premiers résultats» avant le Salon de l’agriculture (24 février-3 mars) puis l’adoption d’une loi d’orientation et d’avenir agricole ainsi que de mesures européennes d’ici à juin.
De son côté, la Confédération paysanne a appelé à «poursuivre la mobilisation» car «la question fondamentale du revenu» n’est «toujours pas prise à bras-le-corps par le gouvernement» selon elle.
Après la conférence de presse du Premier ministre jeudi midi, le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, doit se rendre ce vendredi dans le Gard et l’Hérault «pour présenter les mesures concrètes» de soutien aux viticulteurs. «Le moment de la crise le plus visible […] est plutôt derrière nous», a-t-il assuré ce vendredi matin au micro d’Europe 1.
Mise à jour : à 8 h 56 avec l’ajout de la déclaration d’Arnaud Rousseau ce vendredi matin ; à 12 h 30 avec les blocages qui persistent, et ceux qui ont été levés ; à 15 h 20 avec les annonces des différentes préfectures ; à 16 h 45 avec la situation à Bourge ; à 17 h 12 avec les informations de Vinci Autoroutes.