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Perspectives

Partiellement retoquée, la loi Duplomp reproposée, expertisée, abrogée ?

Après la décision du Conseil constitutionnel de jeudi 7 août, Libération fait le point sur les différentes positions pour l’avenir de ce texte de loi très controversé, ainsi que pour l’acétamipride, dont l’utilisation a été retoquée.
Après la décision rendue par le Conseil constitutionnel, les macronistes ont semblé plus soucieux d’afficher leur soutien aux «sages» qu’au texte partiellement censuré. (Stéphane Lagoutte/Myop pour Libération)
par Maelys Courpotin et Arthur Louis
publié le 8 août 2025 à 20h50

Jeudi 7 août 2025, le Conseil constitutionnel a pris la décision de censurer les articles 2 et 5 de la loi Duplomb, empêchant la réintroduction de l’acétamipride, un pesticide de la famille des néonicotinoïdes. Emmanuel Macron a annoncé «prendre acte» de la décision des «sages», et vouloir promulguer la loi le plus vite possible, «tel (qu’il) résulte de cette décision». Depuis, les réactions se multiplient, témoignant des orientations diamétralement opposées que souhaitent donner partisans et opposants au dossier.

Laurent Duplomb ouvre la porte à… un nouveau texte de loi

Interrogé par RMC ce vendredi matin, Laurent Duplomb, le sénateur LR à l’origine du texte de loi, a d’abord tenté de faire bonne mesure, en dépit de la censure de l’article 2 : «Le Conseil constitutionnel valide 80 % de la loi, il valide les articles correspondant à la levée des surtranspositions en termes d’élevage et des produits phytosanitaires.» Mais le parlementaire n’a pas écarté de proposer une nouvelle version de son texte, estimant que «le Conseil constitutionnel donne des éléments qui pourraient permettre […] de réintroduire l’acétamipride».

De son côté, la FNSEA, le premier syndicat agricole français, a pris «acte de la décision du Conseil constitutionnel». Dans un communiqué commun, la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs appellent à la promulgation de la loi le plus rapidement possible, notamment pour permettre la mise en œuvre des articles simplifiant la gestion des élevages et autorisant le stockage d’eau. Mais tout comme Laurent Duplomb, la FNSEA réclame que «les points censurés soient rapidement repris». Le but : la réintroduction de l’acétamipride, pour compenser la concurrence déloyale que vivent les agriculteurs français, puisque le produit est autorisé partout dans l’Union européenne jusqu’en 2033.

La macronie veut laisser ce dossier derrière elle

Si Laurent Duplomb revenait effectivement à la charge avec un deuxième texte, difficile d’imaginer qu’il recevrait un nouveau blanc-seing de la part du gouvernement qui avait soutenu sa loi. Au lendemain de la décision des «sages», le cabinet de la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a ainsi rappelé que la macroniste avait «continûment affirmé son opposition à la réintroduction des néonicotinoïdes». Alors que les pesticides ne représentaient qu’une partie de cette première loi, le soutien de la ministre à un nouveau texte consacré à la réintroduction de l’acétamipride semble donc impensable.

Le ministre de la Santé ne s’est pas non plus montré très enthousiaste ce vendredi matin sur France Inter. Alors que l’Ordre des médecins a notamment mis en garde sur les risques cancérogènes de l’acétamipride, Yannick Neuder a insisté sur la nécessité d’engager «une réévaluation par les autorités sanitaires européennes, sans délai, de [son] impact sanitaire» avant d’envisager une loi Duplomb bis. Le cardiologue de profession ajoute que «s’il y a un impact sur la santé humaine, il faudra naturellement interdire ce produit».

A l’Assemblée nationale, une large majorité des députés Ensemble pour la République (EPR), dont leur président Gabriel Attal, s’étaient prononcés en faveur de la loi Duplomb. Mais après la décision rendue par le Conseil constitutionnel, les macronistes ont semblé plus soucieux d’afficher leur soutien aux «sages» qu’au texte partiellement censuré. «A la différence d’autres responsables politiques, notre groupe ne se livrera jamais à la contestation politicienne de nos institutions. Nous devons défendre nos agriculteurs, et nous devons respecter notre Etat de droit», ont réagi les élus EPR alors que Laurent Wauquiez et Marine Le Pen ont vertement attaqué le Conseil constitutionnel. Difficile dès lors d’imaginer les macronistes soutenir un texte qui tenterait de réintroduire les néonicotinoïdes malgré la décision rendue jeudi 7 août au soir.

A gauche, continuer le combat et l’étendre à l’Union européenne

Les partis de gauche ainsi que les associations de défense de l’environnement voient dans cette censure partielle une première victoire. Les Écologistes le promettent, ils «continuent le combat politique». Avec le PS et LFI, ils envisagent même le dépôt d’une proposition de loi pour l’abrogation du texte tout juste adopté.

Dans un tweet, l’ancien insoumis François Ruffin, fait part de son souhait que la France «pèse de tout son poids» pour interdire l’acétamipride à l’échelle européenne. Aujourd’hui, 26 des 27 Etats membres autorisent son utilisation, notamment dans la production de noisettes et de betteraves.