Menu
Libération
Epizootie

Peste porcine africaine: un premier vaccin mis au point

Le Vietnam a élaboré un vaccin contre la peste porcine africaine. Une bonne nouvelle pour les pays qui comptent sur les élevages familiaux et peinent à endiguer l’épidémie, alors qu’un foyer a été découvert en Allemagne à proximité de la frontière française.
Une présentation du vaccin, à Hanoi, vendredi 3 juin. (Nhac Nguyen/AFP)
publié le 7 juin 2022 à 18h44

Au moment où plusieurs communes alsaciennes passent en surveillance renforcée pour empêcher la propagation de la peste porcine africaine en France, le Vietnam a annoncé jeudi 2 juin avoir mis au point un vaccin contre cette maladie qui fait des ravages dans les cheptels. Fin mai, un foyer a été découvert dans une exploitation allemande, à 6 kilomètres de la frontière française. La soudaine proximité du virus avait suscité une vague d’inquiétude dans la filière porcine française.

La peste porcine africaine se propage rapidement, en partie grâce à son incroyable résistance. Elle peut survivre sur des vêtements, des chaussures, des pneus de voiture et on la retrouve même parfois dans la charcuterie. Entre janvier 2020 et avril 2022, plus de 1,1 million de cas ont été ainsi recensés dans 35 pays répartis sur les cinq continents, d’après les données de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE).

En partenariat avec des chercheurs américains, le vaccin mis au point par le Vietnam est développé depuis 2020 et cinq essais cliniques ont déjà eu lieu. Son innocuité et son efficacité ont été confirmées par le ministère américain de l’Agriculture. De son côté, le ministre de l’Agriculture vietnamien a déclaré que le pays vise la commercialisation à l’étranger du traitement, sans pour autant fournir de calendrier ni d’estimation des capacités de production. Une autorisation de mise sur le marché – national uniquement – a été délivrée vendredi 3 juin.

«Ce n’est pas parce qu’on a un vaccin qu’on va l’utiliser»

Si la peste porcine africaine est sans danger pour l’homme, elle est presque toujours mortelle pour les espèces porcines et a des conséquences économiques désastreuses pour les éleveurs en Europe comme à l’étranger. Dès qu’une exploitation est touchée, l’ensemble des animaux sont abattus, et les exportations du pays sont en général limitées, voire interdites. De fait, l’épidémie est une menace pour la sécurité alimentaire mondiale puisque d’après l’OIE, le porc représente 35 % de la consommation mondiale de viande.

Alors la mise au point d’un vaccin «est forcément une bonne nouvelle, mais ça ne veut pas dire qu’on va l’utiliser en France», temporise auprès de Libération Olivier Bourry, virologiste spécialisé en immunologie porcine au laboratoire Anses de Ploufragan (Côtes-d’Armor). Pour cela, il faudrait d’abord qu’il soit approuvé par les autorités nationales et européennes, mais surtout qu’il soit utile. Or, pour l’instant, «il est relativement facile de se prémunir de la maladie, en mettant en place des mesures sanitaires dans les élevages de presque tous les pays d’Europe», notamment en limitant les contacts avec l’extérieur, poursuit le virologiste. Le vaccin développé par le Vietnam serait donc surtout intéressant pour les pays qui recensent beaucoup d’élevages familiaux, qui ne peuvent pas mettre en place une barrière protectrice suffisante contre le virus.

En Europe, un vaccin pour les sangliers plutôt que pour les porcs

Mais la peste porcine africaine ne se cantonne pas aux élevages. Les sangliers sont aussi touchés, et ils peuvent à leur tour transmettre le virus en entrant en contact avec des porcs domestiques. «En Europe de l’Ouest, la maladie touche surtout les sangliers. Si on utilisait un vaccin en France, ce serait probablement la première population ciblée», souligne Olivier Bourry. D’ailleurs, dans les années 2000, un foyer de peste porcine classique avait été éradiqué dans les Vosges grâce à la vaccination des sangliers.

La vaccination deviendrait alors une alternative à la chasse ou à la pose de clôtures autour des foyers épidémiques, des solutions qui ne fonctionnent pas toujours. «En Allemagne, des cervidés bloqués par les clôtures se sont déjà noyés lors d’inondations. Et en Italie, un foyer se développe près de Rome, mais il est compliqué de clôturer la ville ou de chasser à proximité, ajoute le virologue de l’Anses, qui ne s’alarme pas pour autant. Tant que la peste porcine africaine se limite aux élevages, nous avons des modes de contrôle.»