Six mois après l’annonce du nouveau plan Ecophyto, les associations de défense de l’environnement ne décolèrent pas. Quatre d’entre elles ont annoncé, ce mercredi 13 novembre, déposer un recours auprès du Conseil d’Etat contre cette nouvelle mouture du plan destiné à réduire de 50 % l’usage des pesticides en France d’ici 2030. Présenté le 6 mai dernier, le plan Ecophyto 2030 est le fruit de la contestation agricole qui avait paralysé le pays en début d’année : la précédente stratégie gouvernementale, jugée trop contraignante, avait été mise à l’arrêt pour tenter d’apaiser la colère des acteurs du secteur. Mais cette nouvelle ébauche présente des «reculs criants», dénoncent les associations environnementales, notamment en matière d’indicateurs.
Excès de pouvoir
Face au manque d’ambition du nouveau plan, Notre Affaire à Tous, Générations Futures, Biodiversité sous nos pieds et l’Association pour la protection des animaux sauvages, passent outre les discussions et décident d’introduire un recours en excès de pouvoir devant la justice. Pour ces organismes, la stratégie française «acte un abandon de l’objectif de 50 % de réduction de l’utilisation des pesticides» d’ici 2030, alors qu’elle poursuit ce but depuis le premier plan Ecophyto, mis en place en 2008. Cet abandon tient en quelques lettres : HRI1. C’est le nom du nouvel indicateur retenu pour calculer la baisse effective des pesticides dans les sols français, en remplacement du Nodu, utilisé depuis quinze ans. Le premier est un «indicateur européen de risque harmonisé», le second, spécifique à la France (acronyme de «nombre de doses unités»), et était «plus adapté au contexte national», jugent les associations.
Entretien
Qu’est-ce que ça change ? Le Nodu permettait de calculer le nombre de doses de substances actives «reçues» par hectare. Le HRI1, réclamé par les principaux syndicats agricoles comme la FNSEA et la Coordination rurale, ne se concentre plus sur la quantité de pesticides épandue mais sur leur dangerosité. Ainsi, l’indicateur HRI1 est «trompeur puisqu’il affiche une baisse de 32 % entre 2011 et 2021 alors que le Nodu a, lui, augmenté de 3 % pendant la même période», faisait valoir Générations Futures dans un communiqué en mai. Si la dangerosité des pesticides a effectivement diminué sur la dernière décennie, cela ne veut pas dire pour autant que l’on en utilise moins. Et c’est là toute la différence entre ces indicateurs.
Solutions alternatives
Autre modification, la période de référence. Ce n’est plus 2015-2017, durant laquelle l’utilisation des pesticides a atteint un pic, mais 2011-2013, où les chiffres étaient bien plus bas et proches des niveaux actuels. «Un changement d’indicateur et de période de référence, revient en réalité à un changement d’objectif : cela signe concrètement un abandon de l’objectif de 50 % de réduction de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques prévus dans les plans Ecophyto précédents», ont plaidé les représentants des ONG environnementales. Pour autant, le changement de période de référence reste positif, puisque la réduction doit être plus ambitieuse qu’auparavant. «Prendre 2011-2013, c’est mieux que 2015-2017 qui n’avait aucun sens», explique à Libération François Veillerette, porte-parole de Générations Futures. «Mais l’origine du plan Ecophyto, c’est 2008, donc il faudrait prendre les chiffres du début, sur la période 2009-2011, parce qu’en 2011, il y avait déjà eu une forte augmentation de pesticides», argue-t-il.
En parallèle de son objectif de réduction, le plan s’attarde également sur les solutions alternatives aux pesticides, avec un budget de 250 millions d’euros dédié à la recherche. Des produits de biocontrôle, c’est-à-dire l’utilisation de mécanismes naturels comme l’introduction d’espèces exotiques, sont en cours d’élaboration, tout comme l’accompagnement des agriculteurs dans le changement de leurs pratiques, l’une de leurs demandes phares résumée par le slogan «pas d’interdiction sans solution». Mais ce principe est jugé illégal par les associations requérantes, qui arguent que «l’absence de solution ne saurait être un motif suffisant pour renoncer à l’interdiction d’un produit qui porterait atteinte à la santé ou l’environnement.» Elles soutiennent aussi que la stratégie Ecophyto 2030 aurait vu le jour sans évaluation environnementale ni consultation publique, ce qui constituerait une entorse à la loi et au principe de démocratie environnementale.
Reportage
Les associations environnementales estiment qu’«abandonner les réglementations environnementales ne résoudra en rien les problèmes des agriculteurs». Moins d’un an après les blocages massifs à travers la France, les agriculteurs lancent un nouvel appel à la mobilisation nationale des agriculteurs «à partir de lundi» 18 novembre, pour «attirer l’attention des pouvoirs publics» et demander du «soutien». Cette fois-ci, les inquiétudes se concentrent sur les pannes de trésorerie et la signature d’un accord de libre-échange par l’Union européenne avec les pays latino-américains du Mercosur, qui provoqueraient l’importation de produits concurrentiels.